La crise aiguë de la gestion de crise internationale
Rote Fahne : Au début de l'année tu as caractérisé de ″danse sur le volcan″ les mesures prises par le gouvernement et les monopoles pour atténuer la crise. Comment cela s'est-il développé depuis ?
Stefan Engel : Entre-temps le volcan commence à cracher de la lave. La gestion internationale de crise a coûté beaucoup d'argent depuis novembre 2008 et a affecté excessivement les budgets nationaux. Dans le monde entier furent dépensés à cet effet jusqu’à présent au total 27 billions de dollars approximativement. Ces dépenses inimaginables s'élèvent à environ la moitié du PIB mondial. Dans notre brochure « L'économie politique bourgeoise se retrouve dans une situation désastreuse » que nous avons publiée en mai 2009 nous avons déjà critiqué que la gestion de crise bourgeoise n'attaque pas le mal à sa racine. Elle peut seulement atténuer ou surmonter la crise présente au prix d'une crise future encore plus profonde et plus vaste. À l’époque nous avions déjà pronostiqué que la gestion de crise internationale gigantesque comporte la tendance à provoquer des faillites d'État et poussera à l’extrême la déstabilisation des conditions sociales. Entre-temps s’est produit le danger imminent de faillites d'État dans quelques pays de l'UE. Le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung du 11 mai 2010 parle à ce propos d'une « situation de détresse historiquement sans pareil qui pourrait avoir des conséquences drastiques sur la zone euro ». Selon l'évaluation de ce porte-voix des monopoles « la crise de l'euro et les dangers qui en proviennent… éclipsent encore la crise financière internationale : Il ne s'agit plus seulement d'éviter l'effondrement de banques mais celui d’États ».
Il est clair que la soi-disant « crise de l'euro » présente en réalité une nouvelle qualité de la crise économique et financière mondiale. Il faut la caractériser comme crise de la gestion internationale de crise. Naturellement, cela change la situation de départ générale à laquelle il nous faut nous préparer tactiquement.
Rote Fahne : Est ce-que le danger de faillites d’États n'est-il pas éliminé par les nouveaux 750 milliards d’euros du « bouclier de protection financier » ?
Stefan Engel : Pas du tout! C'est comme un conte de « Mille et Une Nuits » si l’on affirme que le problème des faillites imminentes d'États existe seulement en Grèce. En réalité les dettes de la Grèce ne s'élèvent qu’à 0,273 billion d'euros. Ce sont 3,14 pour cent de la montagne de dettes de 8,69 billions d’euros dans l'UE1. La légende obstinément répétée que le peuple grec vivrait au-dessus de ses moyens ne deviendra pas plus vraie si le quotidien Bild la décore, dans une sale chasse aux sorcières, avec de toujours nouvelles atrocités. C’est un fait que l'économie grecque fut systématiquement achetée par les monopoles internationaux au cours des dernières années et dégradée en objet de spéculation. Le gouvernement grec fut astreint à effectuer des achats d'armements excessifs pour s'acquitter de ses obligations dans l'OTAN. En Grèce ce n'est donc pas tout simplement une politique financière erronée qu’un gouvernement irréfléchi a fait échouer. Le pillage néocolonial de ce petit pays capitaliste dépendant par les monopoles internationaux a fait faillite.
Le nouveau « bouclier de protection financier » tendu par l'UE et le F.M.I. contre le danger d'insolvabilité d'États n’a donc que superficiellement à faire avec la Grèce.
En général il faut savoir que la gestion internationale de crise a attisé la spéculation dans le monde entier et ce faisant a produit une série de nouvelles bulles de spéculation qui pourraient éclater à la moindre interruption des transactions financières. Ce danger d’une réaction en chaîne a rendu nécessaire la nouvelle gestion de crise extraordinaire en raison de l’imbrication et l’interdépendance des flux financiers à l’échelle mondiale qui rendent le système impérialiste mondial extrêmement vulnérable. Un sommet de crise chasse l’autre et l'euro est toujours en chute libre. La scène financière internationale ressemble à un champ de mines sur lequel les gouvernements et monopoles doivent bouger.
Rote Fahne : Quelles seront les conséquences de la nouvelle gestion de crise pour éviter des faillites d'États dans l'UE et face à la chute de l'euro?
Stefan Engel : La conséquence la plus importante est le fait que la gestion internationale de crise réalisée en Europe jusqu’à présent sera plus ou moins terminée et remplacée par une politique de la soi-disant stabilisation des finances publiques. Cependant cela est très dangereux parce que la crise économique et financière mondiale n'est pas encore terminée et maintenant s’y ajoutent même des facteurs qui pèsent sur une relance économique. La répercussion rigoureuse des fardeaux de la crise sur la classe ouvrière et les larges masses passe au centre de la politique gouvernementale dans les pays de l'UE.
Cela signifie un changement de tactique qui contribuera à l'aggravation des contradictions de classes.
Rote Fahne : Ce changement de tactique convenu au niveau de l'UE ne contient-il pas un grand risque pour le maintien de la soi-disant « paix entre les classes » ?
Stefan Engel : Entre-temps fut divulgué qu'en Roumanie les employés dans la fonction publique doivent accepter une réduction des salaires de 25 pour cent et les retraités et chômeurs des pertes de 15 pour cent de leurs prestations. Des programmes similaires furent adoptés au Portugal et en Espagne et annoncé par le nouveau gouvernement à Londres. En Espagne les syndicats ont expressément annulé leur trêve avec le gouvernement et annoncé une première grève générale dans la fonction publique pour le 2 juin. En Grèce la résistance active populaire continue sans faiblir. En Roumanie les retraités sont entrés en action contre les compressions impertinentes. En plus de la rébellion populaire en Grèce aussi la situation en Thaïlande qui ressemble à une insurrection ou récemment l'insurrection armée en Kirghizie méritent attention. Cela montre que sur la base de convulsions économiques sont aussi possibles des déstabilisations éruptives de la situation politique et qu’il faut s'y attendre plus souvent.
Directement après les élections au Landtag en Rhénanie-du-Nord-Westphalie les discussions ont commencé sous le pavillon de la critique contre la « politique hésitante de la chancelière Merkel »: Le politicien du parti CDU, Koch, excellait dans son rôle favori de provocateur. Il exigea des augmentations d’impôts et une dégradation radicale de la situation en particulier des enfants, des familles et de la jeunesse – par exemple l'annulation de la ″garantie d’une place pour les enfants de moins de trois ans dans une école maternelle″ ainsi que de la part de 10 pour cent des dépenses assignée à l'enseignement et la recherche scientifique2. Ses amis de la coalition CDU et FDP à Berlin s'empressent de préparer la population à des réductions radicales des dépenses et des augmentations de taxes et d‘impôts d'environ 20 milliards d'euros pour l'année 2011. Surtout sont remises en question les assurances sociales et en dehors de Rhénanie-du-Nord-Westphalie les subventions pour l'industrie minière.
Avec l'introduction du changement de tactique les politiciens dirigeants se conforment à la demande pressante des capitalistes monopolistes de premier plan. Le chef de la B.D.I. (Association fédérale de l'industrie allemande), Keitel, l’exigea déjà le 18 janvier 2010:
« L'ère de ″'sauver fait plaisir″ a pris fin ! … Celui qui alimente la crise par l'État ne fait que la prolonger … Pour cette raison je plaide pour un passage rapide mais doux … Parlons franchement ! Cela signifiera des réductions douloureuses. »3
Mais ce n'est pas si simple que ça. Le développement dans la conscience des masses qui s'exprimait dans le résultat des élections au Landtag en Rhénanie-du-Nord-Westphalie pourrait mener à une érosion accélérée de la base de masse des partis bourgeois en raison du changement de tactique. Ainsi, après les élections, les subventions pour les monopoles camouflées de « plans de réduction d'impôts » ou la taxe par tête dans la santé publique furent temporairement abandonnées. La crise politique latente s'est approfondie considérablement.
Rote Fahne : Le gouvernement fédéral et les divers instituts économiques bourgeois ont pronostiqué à l'unisson une reprise économique significative pour 2011. Qu'en penses-tu?
Stefan Engel : En effet, les chutes les plus profondes dans la crise économique et financière mondiale ont fait place à une stagnation et l'économie en général est passée à une dépression. Toutefois cela ne signifie point que la crise est surmontée ! En Allemagne, l'augmentation du P.I.B par de minable 0,2 pour cent dans le premier trimestre 2010 se célèbre déjà comme signe avant-coureur d'une reprise économique4. Pourtant la production industrielle chuta en 2009 de 17,9 pour cent par rapport au niveau de l'année 20055. Étant donné la vitesse de la petite progression économique actuelle, il durera encore des années avant d’atteindre le niveau antérieur à la crise. La faiblesse économique toujours persistante dans le pays n’est recouverte que provisoirement par la montée des exportations en raison de l'euro bon marché sur le marché mondial.
Rote Fahne : Jusqu'à présent les monopoles et le gouvernement ont réussi à éviter une forte croissance du chômage de masse en dépit des chutes profondes de la production. Néanmoins, on a l'impression que le mécontentement dans les entreprises augmente.
Stefan Engel : Grâce au chômage partiel, la réduction des heures supplémentaires et l'annulation de beaucoup d'accords d'entreprise sur la prolongation de la durée hebdomadaire du travail au-dessus des 35 heures par semaine on a réussi en effet à éviter 1,2 millions de licenciements. La durée hebdomadaire de travail payé dans l'industrie a diminué à 36,7 heures en 2009. Cela a conduit à une montée beaucoup plus faible du taux de chômage officiel par rapport à toutes les crises économiques mondiales depuis 1981 et était sans doute le facteur décisif pour la retenue des masses face à la gestion de crise du gouvernement. Cependant nous ne devons pas oublier que les mesures mentionnées ci-dessus ne peuvent être acceptées par les ouvriers que temporairement tout au plus. Quand aujourd’hui les travailleurs doivent faire du travail partiel déjà depuis un an et demi, cela laisse de grands trous dans les budgets familiaux que rarement une famille ouvrière arrive à boucher à la longue. De plus en particulier la grande industrie a fait un usage abusif du chômage partiel pour intensifier la pression du travail et réduire les salaires réels. Les ouvriers dans les entreprises industrielles ont perdu en 2009 en moyenne déjà presque 4 pour cent de leurs salaires réels. Cela ne s'est pas vu depuis des décennies ! Pourtant aucun ouvrier ne peut être sûr de pouvoir garder son emploi. Tout cela augmente le mécontentement dans les entreprises.
Rote Fahne : Comment faut-il évaluer les résultats des élections au Landtag en Rhénanie-du-Nord-Westphalie devant cette toile de fond ?
Stefan Engel : Pour la coalition noire-jaune [de la CDU et du FDP] à Düsseldorf et Berlin ce résultat est un désastre. La CDU a perdu 1.014.770 de voix par rapport aux élections au Landtag en 2005. Tout comme le SPD, elle ne fut plus élue que par 20 pour cent des électeurs. Le FDP a perdu 872.117 de voix par rapport aux élections au Bundestag il y a presque 8 mois et fut élu seulement par 3,9 pour cent des électeurs. La "coalition souhaitée" par les associations patronales a essuyé une lourde défaite.
Ce que le SPD a célébré avec euphorie encore dans la soirée même des élections comme victoire électorale était en réalité aussi un nouveau record négatif lors d’élections au Landtag en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Il a encore perdu 383.452 de voix par rapport aux résultats électoraux en 2005 qui étaient catastrophiques pour la Rhénanie-du-Nord-Westphalie et qui déclenchèrent la démission de l’ex-chancelier Schröder du SPD.
CDU, SPD, FDP et les Verts furent élus tous ensemble par moins de la moitié des électeurs. La participation électorale diminua de 63 à 59 pour cent6. Le processus au cours duquel les masses se détournent des partis bourgeois, du parlementarisme bourgeois et de ses institutions continue sans frein.
La tolérance des masses face au gouvernement touche apparemment à sa fin. C'est le résultat essentiel de ces élections au Landtag. La tendance vers la gauche se poursuit. La campagne anticommuniste, mise en scène avec un débat forcé sur "l’extrémisme de gauche ", n'a guère porté de fruits. Au contraire, il semble qu'elle ait apporté des voix à l'organisation du Land du Linkspartei [Parti de gauche] qui passe pour être particulièrement ″de gauche″. Celui-ci est entré au Landtag pour la première fois avec 5,6 pour cent6. La recommandation électorale et le soutien critiques du MLPD y a sans doute contribué. Les Verts aussi ont tiré profit de la tendance vers la gauche en se présentant de gauche en apparence avec un "projet d'avenir vert" comme un parti qui s’oppose aux centrales et nucléaires et thermiques de charbon.
Les tiraillements à propos de coalitions possibles montrent les grands problèmes des partis bourgeois face à l'érosion de leur base de masse qui se poursuit. Qu'on prenne le problème par n'importe quel bout : il n'y aura pas de gouvernement stable ! Même une grande coalition avec de claires positions majoritaires au Landtag approfondirait le développement porteur de crise dans le paysage des partis bourgeois et mettrait avant tout le SPD à une épreuve de vérité suicidaire.
Rote Fahne : En Rhénanie-du-Nord-Westphalie le MLPD a appelé au soutien électoral critique du Linkspartei. Est ce-qu’il s'adapte depuis peu au Linkspartei ?
Stefan Engel : Évidemment que non ! Le MLPD n'a pas présenté sa candidature dans ces élections au Landtag en raison de la concentration des forces. Cependant il n'approuve pas du tout l’ignorance apolitique de telles élections. Dans le programme électoral au Landtag du Linkspartei nous avons discerné toute une série de revendications défendues autrefois seulement par le MLPD qui les a ancrées progressivement parmi les masses par un travail quotidien de longue haleine. Parmi celles-ci je compte "À bas Hartz IV″ , la revendication de la semaine de 30 heures avec compensation de salaire intégrale, la lutte contre la retraite à 67 ans, pour un droit de grève politique, contre l'intervention de la Bundeswehr [armée fédérale] à l'étranger, pour l’interdiction de toutes les organisations fascistes etc.
Naturellement nous regrettons le fait qu'un accord de campagne électorale officiel entre le MLPD et le Linkspartei n'a pas été réalisé. La direction du Land du Linkspartei a refusé un entretien avec la direction du Land du MLPD avant les élections. On peut supposer que la raison en est que le Linkspartei, déjà avant les élections, a voulu se ménager l’option d'entrer dans un gouvernement avec le SPD et les Verts. Une proximité trop grande avec le MLPD pourrait entraver ce projet.
Naturellement le Linkspartei est conscient du fait que les revendications de son programme électoral que nous soutenons ne joueront plus aucun rôle dans un tel gouvernement. Néanmoins le congrès du Linkspartei vient de se prononcer pour une participation au gouvernement en Rhénanie-du-Nord-Westphalie le week-end passé. Ainsi le MLPD joue le rôle douteux de devoir défendre une grande part du programme électoral du Linkspartei contre sa propre direction. Le soutien électoral critique dans les élections au Landtag en Rhénanie-du-Nord-Westphalie était quand même correct, parce que nous avons ainsi souligné que nous sommes toujours prêts à collaborer avec le Linkspartei sur la base de la lutte commune pour des revendications centrales.
En même temps nous prévenons avec insistance les membres et fonctionnaires du Linkspartei d'entrer dans ce gouvernement. Ce faisant, il assumerait l'obligation de contribuer à mettre en place le programme de crise des monopoles contre les larges masses dans le Land le plus peuplé. La tendance vers la gauche se développera avant tout dans la résistance active contre la politique de répercuter les fardeaux de la crise sur le dos des larges masses. Le Linkspartei doit se décider de quel côté il se rangera !
Rote Fahne : Le Premier mai, on n'avait pas l'impression que la campagne de diffamation dans les médias contre les "extrémistes de gauche" du MLPD gagne du terrain dans le mouvement ouvrier en Allemagne.
Stefan Engel : La relation de la masse des participants avec le MLPD était vraiment remarquable ce Premier mai. Tandis qu'il y a eu, au préalable, une campagne d'exclusion anticommuniste rigide contre le MLPD, lancée par une partie de la direction de la Confédération des syndicats allemands (DGB), les manifestants nous ont accueillis et protégés partout comme partie intégrante des activités du Premier mai. L'interdiction des stands d'information prétentieusement annoncée – d'ailleurs juridiquement irrecevable – n’a pu être imposée nulle part. Les ouvriers se sont mis devant le MLPD pour le protéger, en quelques lieux se sont même formées des unités d'action pour protéger les stands du MLPD. Ainsi à Berlin, la tentative d'éliminer le stand du MLPD s’est heurté à une discussion de masse et une manifestation de 200 personnes qui réussit à l’empêcher. Naturellement notre cible principale n'est pas la direction de la DGB mais la politique anti-ouvrière du gouvernement et des monopoles. Cependant il est aussi clair que nous nous défendons contre de telles tentatives d'exclusion qui d'ailleurs ont aussi à faire avec le fait que les directions de la DGB et du syndicat des métallurgistes (IG Metall) se rangent actuellement de plus en plus du côté du gouvernement et veulent empêcher des luttes à tout prix.
Le renforcement du courant révolutionnaire dans la tendance vers la gauche parmi les ouvriers s’est déjà manifesté lors des élections aux comités d'entreprise où les ouvriers conscients de classe ont pu consolider leurs positions. De très bons résultats ont remporté juste les candidats qui avaient posé leur candidature sur la liste ouverte du MLPD à l’occasion des élections au Bundestag en 2009 et là où on avait répondu offensivement aux attaques anticommunistes dans la phase préparatoire.
Dans cette situation la direction du syndicat IG Metall a passé outre de manière arrogante à une décision claire du congrès syndical de 2007: Au lieu d'annuler les décisions d'incompatibilité scissionnistes contre le MLPD, celles-ci ne furent pas seulement confirmées mais même aggravées dans une séance du comité directoire.
Ce qui est révoltant pour beaucoup de syndiqués est le fait que l’on avance comme justification non seulement les mensonges abominables des services secrets sur le MLPD mais recourt aussi aux "scientifiques" ultra-droitistes, connus pour appartenir au camp fascistoïde, comme témoins principaux contre le MLPD.
La direction de droite de l’IG Metall, menée par Berthold Huber, désapprouve notamment le rejet de la part du MLPD de la politique de collaboration de classes, sa propagation de luttes à l'échelle des groupes au-delà des frontières et des branches et son engagement pour le véritable socialisme. En particulier, ils pestent contre la constatation scientifique de la nécessité d'une dictature du prolétariat dans le socialisme, telle qu'elle fut établie par Karl Marx comme alternative à la dictature de la bourgeoisie.
La direction de l'IG Metall fait preuve de son incapacité politique, quand elle considère les grèves autonomes comme comportement concurrentiel envers l'IG Metall, tout en sachant bien que les possibilités de grèves syndicales sont fortement restreintes, parce qu'un droit de grève légal, intégral et universel n’existe pas en Allemagne. La direction de l'IG Metall pourrait apprendre beaucoup de la conférence fédérale du syndicat industriel du bâtiment, de l'agriculture et de l'environnement (IG BAU) qui a même intégré la revendication d'un droit de grève politique dans ses statuts.
Ce que beaucoup de gens ne savent peut-être pas : Jusqu'à 1980, Berthold Huber fut pendant plus de 12 ans un responsable en tête dans les organisations précurseurs du MLPD et y fut notamment responsable pour le travail d’orientation et le contrôle du travail dans les entreprises et les syndicats. Ce n'est que de l’hypocrisie pure quand il prétend que le centralisme démocratique du MLPD rend impossible aux membres du MLPD de soutenir les décisions de l'IG Metall.
Si cela était vrai, Berthold Huber n'aurait jamais pu devenir représentant syndical dès le début des années 1970, tout en étant membre actif du parti. Pour nous, les syndicats sont et restent des auto-organisations non-affiliées à un parti où les ouvriers et employés de différentes affiliations politiques et positions idéologiques s'engagent en commun pour défendre et améliorer leurs conditions salariales et de travail. Berthold Huber devrait arrêter de fayoter comme anticommuniste auprès de n'importe qui en encourageant de telles décisions. L'unité des syndicats est trop importante pour tolérer ce type d’ambitions évidentes.
Les décisions d'incompatibilité contre le MLPD divisent les syndicats et affaiblissent leur force de combat, car les syndicalistes combatifs et actifs se retrouvent sous l'épée de Damoclès d’une expulsion du syndicat et sont diffamés comme ennemies du syndicat.
Rote Fahne : Avec 150.000 participants aux manifestations contre les centrales nucléaires en avril , le mouvement écologiste a fait sa rentrée de nouveau de façon impressionnante. Quel en fut le point de départ ?
Stefan Engel : Le tournant le plus marquant dans la lutte contre la catastrophe écologique mondiale fut l'échec du sommet mondial sur le climat à Copenhague. S’y ajoutent aussi les efforts massifs du gouvernement fédéral de prolonger la période d’utilisation des centrales nucléaires à 60 ans ainsi que l’expansion des centrales à charbon malgré tous les risques énormes et généralement reconnus pour l'homme et la nature. Le gouvernement de Schröder/Fischer avec ses décisions d’abandonner progressivement l'énergie nucléaire a plus ou moins suggéré à l'ancien mouvement écologiste de se dissoudre. Maintenant, les gens se rendent compte qu'il n'y aura pas de sauvegarde de l'environnement sans la résistance active contre la soif de profit des monopoles. Selon ce que je sais, c'était la plus grande manifestation contre des centrales nucléaires que l’on ait jamais vue en Allemagne. Cela laisse à espérer ! Car, étant donné le développement dramatique vers la catastrophe climatique globale, une lutte de plus grande envergure et beaucoup plus acharnée est nécessaire pour sauver la terre pour la vie humaine.
Rote Fahne : On a l'impression que l'intervention de la Bundeswehr en Afghanistan se heurte à un plus grand refus parmi la population en Allemagne avec chaque soldat qui meurt. Comment cela continuera-t-il?
Stefan Engel : Entre-temps, il y a beaucoup plus de 100.000 soldats de l’OTAN en Afghanistan afin de pacifier le présumé "havre du terrorisme". Il est invraisemblable que cet effort militaire soit nécessaire pour vaincre quelques centaines de combattants d'Al-Qaïda et environ 5.000 talibans. De toute évidence, l'OTAN se voit confronté entre-temps à une large réprobation de la part de la population afghane qui est délibérément diffamé dans nos médias comme appartenant en bloc aux talibans. L'agression de l’OTAN n’arrivera pas à surmonter cette large résistance du peuple afghane ! Avec chaque soldat qui meurt, la réprobation s'accroît parmi la population dans les pays membres de l’OTAN. Récemment, le gouvernement des Pays-Bas s’est désintégré pour cette raison. En Allemagne aussi, la population peut seulement être apaisée parce qu’on annonce de façon réitérée la retraite des troupes allemandes pour l’an 2011. Pourtant personne ne doit croire que l'OTAN se retirera volontairement de l'Afghanistan sans avoir du succès. Pour cette raison, il faut renforcer la lutte antimilitariste et la lutte pour la retraite des troupes allemandes de l’Afghanistan.
Rote Fahne : L’aggravation de la crise politique latente n'est naturellement pas seulement une base matérielle pour la tendance vers la gauche. Sur la base d'une conscience de classe peu développée, elle peut aussi provoquer parmi les masses des tendances de droite voire néofascistes, liées à un anticommunisme agressif. Le danger néofasciste en Allemagne a-t-il augmenté ?
Stefan Engel : Nous ne devons pas sous-estimer que la même base matérielle de la tendance vers la gauche peut aussi favoriser des idées de droite et néofascistes surtout parmi des gens arriérés. Nous ne devons pas sous-estimer les succès électoraux des partis fascistes et populistes de droite en France, en Hongrie, aux Pays-Bas, en Italie et en partie aussi dans les élections du Landtag en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Ils constituent objectivement une base de masse pour la fascisation et la terreur d'État contre le mouvement ouvrier révolutionnaire.
D'autant plus important est l'essor de la lutte antifasciste qui a atteint un point culminant à Dresde où la résistance de masse active empêcha la manifestation nazie d'envergure européenne.
Rote Fahne : Suite à la gestion de crise organisée au niveau international, le mouvement de masse a diminué temporairement parmi les ouvriers, les larges masses et aussi parmi la jeunesse. N’y a-t-il rien de changé entre-temps ?
Stefan Engel : Déjà dans ma dernière interview j'avais signalé un redressement notable de la rébellion de la jeunesse. Au total, presque un million de jeunes ont participé, en 2009, à des protestations le long de toute la gamme de leurs intérêts de vie et d'avenir. 50% d’entre eux ont protesté dans les actions de la "grève de l’éducation" suivis par les protestations antifascistes, anti-impérialistes et antimilitaristes ainsi que dans le domaine écologique et les protestations ouvrières. Cette tendance s'est prolongée en 2010 surtout dans les actions d'une nouvelle génération de protestation contre les centrales nucléaires et dans les protestations antifascistes. Le 9 juin, il y aura de nouveau des protestations à l'échelle fédérale dans le secteur de l’éducation.
Ce n'est pas seulement numériquement le niveau maximum depuis les protestations à l'occasion de la guerre en Iraq en 2003. C'est surtout la critique du capitalisme qui s'y est animé clairement. Aujourd’hui, la rébellion de la jeunesse a un niveau qualitatif considérablement plus élevé. L'organisation de jeunes du MLPD, Rebell, y participe activement et s'est proposé de devenir la première adresse pour organiser et diriger la rébellion de la jeunesse.
Avec le développement de la rébellion de la jeunesse, il y a eu aussi un tournant dans le mouvement ouvrier et le mouvement populaire combatif. Les actions de lutte autonomes dans les entreprises ont augmenté aussi bien que les activités dans la lutte pour la protection de l'environnement naturel, pour la défense et l’extension des droits et libertés démocratiques, dans la lutte antifasciste ainsi que contre la guerre de l'OTAN en Afghanistan. Cette tendance se renforcera sur la base du changement de tactique des monopoles et animera le mouvement spontané. Les marxistes-léninistes soutiendront ce mouvement et le développeront à un niveau supérieur. En même temps, il faut établir dans toutes les activités la liaison avec le mouvement ouvrier et populaire international et organiser ces luttes comme école de la préparation de la révolution internationale.
Rote Fahne : Quelles tâches politiques le MLPD se propose-t-il dans le prochain temps?
Stefan Engel : Dans les mois à venir, tout le parti se concentre sur la consolidation et le développement du travail marxiste-léniniste dans les entreprises et les syndicats. Nous encourageons le déclenchement, la direction et le développement à un niveau supérieur des luttes au moyen de la stratégie et tactique de l'offensive ouvrière comme transition à la lutte de classe au sens propre. Nous devons aussi révéler et surmonter de façon critique et autocritique une tendance opportuniste de droite dans le travail pratique qui ne s'oriente qu'aux hauts et bas concrets du mouvement spontané, se perd dans un syndicalisme trade-unioniste et qui dissout l'unité de la lutte économique et politique ainsi que celle du travail dans les entreprises et les syndicats et celui dans les quartiers. Cette explication critique et autocritique doit aussi être menée dans les cellules de quartier qui ont souvent abandonné leur référence étroite au travail dans les entreprise et les syndicats et ont ainsi contribué à l'affaiblissement de notre travail à la ligne principale de la lutte. Reste en vigueur notre directive adoptée que malgré toute extension du travail de parti dans de nouveaux domaines, nous concentrons 50 pour cent de nos forces sur la ligne de lutte principale – le travail au niveau d'entreprise et de syndicat afin de gagner la majorité décisive de la classe ouvrière.
En ce qui concerne le travail marxiste-léniniste auprès de la jeunesse, nous avons réussi à conquérir par la lutte des progrès et succès importants durant la campagne de critique et d’autocritique. Il s'agissait surtout de comprendre le travail marxiste-léniniste auprès de la jeunesse comme tactique de masse de la construction du parti et de le réaliser comme école de vie du mode de pensée prolétarien. Toute l'organisation a obtenu de haute lutte une nouvelle compréhension de notre ligne politique de la jeunesse et, dans 15 conférences de critique et d’autocritique avec plus de 300 participants, hommes et femmes, nous avons tiré des conclusions importantes pour réorganiser notre travail.
La question centrale était ici le maniement dialectique des trois relations réciproques fondamentales entre le parti et Rebell : la direction idéologico-politique par le parti comme facteur dirigeant, la coopération pratique entre le parti et l'organisation de la jeunesse comme base pratique de l'école de vie du mode de pensée prolétarien et l'encouragement de l'autonomie organisatrice comme méthode décisive pour éduquer la masse de la jeunesse à se libérer elle-même et pour la gagner au socialisme. Ensuite il s’agit de concevoir et réaliser certains projets pilotes dans le travail auprès de la jeunesse et d'établir dans tous les aspects du travail quotidien et comme son standard fondamental le travail parmi la jeunesse comme tactique de masse dans la construction du parti. Dans ce but, il faut assimiler les résultats des réunions de critique et d’autocritique et réorganiser le travail de manière correspondante. Tout cela ne pourra être réalisé que si le travail parmi la jeunesse s’impose comme axe essentiel de la politique d’organisation sur toute la ligne. Jusqu’à ce moment, la campagne de critique et d’autocritique sera poursuivie. Les assemblés de membres et de délégués du MLPD qui ont lieu en ce moment veilleront soigneusement à ce que les progrès sans doute acquis ne s'évaporent pas après cette campagne particulière, mais prospéreront dans un travail systématique parmi la jeunesse sur un nouveau niveau.
Rote Fahne : La fondation prévue d'une forme d'organisation internationale pour coordonner l’activité pratique des partis révolutionnaires, comment avance-t-elle?
Stefan Engel : Entre-temps, l'initiative pour créer l'ICOR est passée de la phase préparatoire à la phase de fondation. Les presque 70 organisations participantes discutent intensément la résolution de fondation, le préambule et les motions concernant le travail futur. L'ICOR signifie une nouvelle qualité de l'internationalisme prolétarien.
Cela contient des conséquences idéologiques, politiques et organisatrices pour notre travail de parti que nous devons élaborer, assimiler et mettre en pratique systématiquement dans le prochain temps. Pour aider ce processus le Comité central travaille de façon concentrée à l'élaboration d'un numéro correspondant de notre organe théorique Revolutionärer Weg [Voie révolutionnaire].
Par là, il faut résoudre la contradiction que l'on travaille déjà à la préparation de la révolution internationale, mais que le fondement théorique solide nécessaire dans la ligne idéologico-politique du MLPD n’a pas encore été mis au point dans tous ses aspects . Ce travail théorique est hautement compliqué, historiquement quelque chose de nouveau et s’effectue plus que jamais dans le plus étroit échange d'opinions et d'expériences avec les révolutionnaires du monde.
Rote Fahne : L'idée d'une conférence mondiale des femmes de base au Venezuela en 2011 gagne apparemment de plus en plus en attractivité. Quel est l’état de préparation ?
Stefan Engel : C'est réjouissant de voir que l'idée d'une conférence mondiale des femmes de base est acceptée par des parties toujours plus larges du mouvement combatif des femmes dans toujours plus de pays du monde. En Allemagne, il y a entre-temps plus de 20 conférences politiques des femmes au niveau des villes qui sont des représentantes actives de la préparation. Si l’on réussit à réaliser avec succès cette conférence mondiale des femmes de base en 2011 au Venezuela grâce à l'initiative autonome des femmes combatives du monde entier, alors cela sera un échec pour les dominants de ce monde qui voulaient faire une croix sur le problème de la libération des femmes en annulant les conférences mondiales régulières de l’ONU sur les femmes. Mais le problème de la double exploitation et de l’oppression spéciale de la masse des femmes existera aussi longtemps que le capitalisme. Le MLPD soutient ce projet de plein cœur et avec toutes les capacités dont nous disposons, car il est fermement convaincu: la libération de l'humanité de l'exploitation et l’oppression est impossible sans libération de la femme !
Rote Fahne : La tendance vers la gauche en Allemagne semble rester intacte, mais comment en est-il du développement de la perspective révolutionnaire dans le cadre de la tendance vers la gauche? Pouvons-nous compter sur un essor de la lutte pour le socialisme ou l'anticommunisme s'est-il renforcé?
Stefan Engel : Il est remarquable que selon un sondage d'Emnid en février de cette année 82 pour cent des personnes interrogées ont exprimé qu'elles pourraient s'imaginer vivre dans une société socialiste. Cela est la confirmation d’un échec lamentable de la campagne anticommuniste déclenchée par le Conseil européen depuis 2006 dans tous les pays européens. Après tout, la radio et la télévision racontent jour après jour des prétendues atrocités du communisme, en particulier du "stalinisme" et du "maoïsme". Un tel bombardement idéologique ne s’est même pas passé pendant la ″guerre froide″. L'objectif déclaré de stigmatiser l'idéologie communiste parmi les masses comme "racine du terrorisme international" a échoué tout net. Cependant nous ne devons pas sous-estimer que beaucoup de gens n'ont qu'une idée très vague d'une société socialiste.
Le week-end passé, Lafontaine, lui aussi, a de nouveau parlé du "socialisme démocratique" où l'exploitation et l’oppression de l'homme par l'homme seront abolies. Mais il veut l’imposer sans abolir le capitalisme et sans bouleversement révolutionnaire de la société. Le capitalisme et le socialisme sont des formations sociales irréconciliables. Celui qui raconte aux gens que le socialisme pourra être introduit paisiblement par des élections parlementaires est soit naïf, soit démagogique. S’il doit y avoir un essor du socialisme, le MLPD devra s'imposer comme alternative révolutionnaire contre l’illusion parlementaire de réaliser une société socialiste par des élections dans les années à venir. La tendance vers la gauche en Allemagne est sans doute un niveau important du développement de la conscience de classe qui pourtant ne suffit pas encore pour une lutte de transformation sociale pour une nouvelle société. C’est pourquoi il est particulièrement important de ne pas miser seulement de façon spontanée sur la tendance vers la gauche, mais de mener une lutte intense pour le mode de pensée des masses. Les masses n’apprendront que par leurs propres expériences pratiques de suivre le bon chemin. Pour cette raison il est tellement important de discuter en camarades sur la base de la lutte commune leurs intérêts d’avenir et de surmonter les illusions petites-bourgeoises à l'égard de la société capitaliste.
Pour toujours plus de gens il est de plus en plus évident que la petite couche du capital financier dicte la vie d’économies nationales entières et que le système impérialiste mondial est affecté par un mode d’existence porteur de crise. Cela deviendra le stimulateur qui encouragera les masses à lutter pour surmonter le capitalisme.
C’est une des faiblesses principales de notre travail de parti des dernières années que nous n'avons su que développer insuffisamment une agitation et propagande effective de masse pour le véritable socialisme ainsi que les répandre parmi les masses. Mais nous sommes fermement décidés de surmonter ce défaut central et de nous préparer pour une nouvelle offensive pour le véritable socialisme. Pour cette raison le MLPD participe activement aux activités pour commémorer les leçons de l'insurrection armée contre les putschistes Kapp/Lüttwitz il y a 90 ans.
Nous nous préparons également à participer aux élections du Landtag en Saxe-Anhalt début 2011 et à celles du sénat de Hambourg en 2012. Nous le faisons dans le but de faire d’autres pas pour briser durablement l'isolement relatif du MLPD, d'ancrer largement parmi les masses l'alternative du véritable socialisme et de construire le MLPD et son organisation de la jeunesse Rebell de façon accélérée.
Merci beaucoup pour cette interview !
1 eurostat communiqué de presse du 22/04/2010
2 Hamburger Abendblatt [quotidien de Hambourg] du 11/05/2010
3 Hans-Peter Keitel, Discours à l’occasion du Forum politique de la Ruhr le 18/01/2010 (cité sur la page d’accueil de la BDI)
4 Rheinische Post (quotidien) du 13/05/2010
5 Statistiques de l’OCDE
6 Présidente du comité électoral en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, 10/05/2010