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L'économie politique bourgeoise se retrouve dans une situation désastreuse

Quelques rajouts à la théorie de crise marxiste-léniniste

L'économie politique  bourgeoise se retrouve dans une situation désastreuse

Quelques rajouts à la théorie de crise marxiste-léniniste

(Supplément du Comité Central du Parti marxiste-léniniste d’Allemagne (MLPD) à Rote Fahne [Drapeau rouge] n0 21/2009, par Stefan Engel, directeur de l’organe théorique Revolutionärer Weg [Voie révolutionnaire])





Table des matières


L'économie politique bourgeoise se retrouve

dans une situation désastreuse

Quelques rajouts à la théorie de crise marxiste-léniniste


La crise économique et financière mondiale la

plus profonde de l'histoire du capitalisme


L’échec de l’économie politique bourgeoise


Disputes au sujet des causes universelles et concrètes

de la crise économique mondiale en 2008


La gestion de la crise coordonnée au niveau international


Le potentiel d'une crise révolutionnaire mondiale et

la nécessité de coordonner l'activité de partis et

organisations révolutionnaires au-delà des frontières


Sources et explications relatives au texte



La crise économique et financière mondiale la plus profonde de l'histoire du capitalisme


Le 15 septembre 2008, après la débâcle de Bear Stearns, Lehman Brothers, la deuxième des cinq banques d'affaires les plus importantes à l'échelle mondiale s'effondra. C’est seulement au prix de la perte de leur rôle en tant que banques d'affaires, et avec l'intervention massive du gouvernement Bush aux États-Unis, que les trois autres principales banques d'affaires américaines Merrill Lynch, Morgan Stanley et Goldman Sachs ont pu être sauvées de l'insolvabilité encore dans la même semaine. Sur ce coup d'éclat, les flux financiers se chiffrant en billions, lucratifs et organisés au niveau mondial, furent interrompus. Une crise bancaire internationale étouffait les marchés financiers et la finance internationale était menacée d'effondrement. Des ventes paniques de devises et d'actions pour dégager de l'argent liquide firent partir en vrille les marchés des devises et déclenchèrent une crise boursière internationale.


En octobre 2008, cette crise financière mondiale, unique par son étendue et sa profondeur dans l'histoire du capitalisme, devint le déclic immédiat d'une nouvelle crise économique mondiale dont la dimension cherche aussi son pareil. Cette crise saisit les principaux pays industriels avec une simultanéité relative et une violence énorme. Elle frappa au cœur du capital financier international et toucha la plupart des 500 plus grands supermonopoles internationaux. Au cours de la nouvelle organisation de la production internationale dès le début des années 1990, ces supermonopoles s'étaient complètement soumis le marché mondial et l'avaient reparti entre eux. Les managers de pointe, en premier lieu des banques internationales monopolistes, se retrouvèrent au centre de la colère populaire. Leurs fauteuils sautèrent en série, de manière tout au plus comparable à la ronde des changements d'entraîneurs de football dans la première division allemande. En raison de la brusque fermeture des marchés d'exportation internationaux, les économies nationales n’eurent plus de possibilités de se rabattre sur d'autres marchés avec leur capital excédentaire, comme ce fut encore le cas dans la crise économique mondiale de 2001-2003. Au seul 4e trimestre 2008, le commerce mondial s'effondra de 20 pour cent par rapport au niveau maximal des 2e et 3e trimestres 2008.


Au 4e trimestre 2008, la production industrielle mondiale chuta de 20 pour cent par rapport à l'année précédente – et même de 23 pour cent dans les pays industriels. Ainsi, déjà au cours des trois premiers mois de la crise, elle connut un recul nettement plus prononcé que dans la crise économique mondiale de 1929 après un an. En décembre 2008, la production mondiale d'acier baissa de 30 pour cent par rapport à son niveau maximal de mai 2008. Dans les 30 pays de l'OCDE1, les ventes mondiales d'automobiles reculèrent de 25 pour cent en décembre par rapport au maximum d’avril 2008.


Avec la régression de la production et du commerce mondial, le secteur logistique, qui connaissait une énorme croissance artificielle depuis les années 1990, fut également frappé de plein fouet par la crise. La vente de poids lourds en Europe a baissé de 38 pour cent et l’entrée de commandes s'est réduite presque à zéro ! Au niveau mondial, 50 pour cent des conteneurs étaient stockés inutilisés. La navigation commerciale a baissé de 50 pour cent. D'après des estimations de la Banque asiatique de développement (BAD), la crise économique et financière mondiale eut pour conséquence une destruction de capital d'environ 50 billions de dollar US seulement jusqu'à la fin de 2008 ! Ce montant est mille fois plus élevé que la destruction de capital aux États-Unis lors du plongeon des cours entre octobre et la fin de l’année 1929, chiffrée à 50 milliards de dollar US environ.


En Allemagne, pays dépendant à 45 pour cent des exportations, la chute de la production industrielle s'est aggravée sans interruption depuis le début de la crise.


En mars 2009 par rapport à l'année précédente, le chiffre d'affaires dans l'industrie de transformation recula de 22 pour cent, de 32,3 pour cent dans le secteur de l'automobile, de 31,5 pour cent dans la production et l'usinage des métaux, de 22,4 pour cent dans la construction mécanique et de 25,6 pour cent dans l’industrie chimique. En février/mars 2009 les commandes industrielles baissèrent de 32,5 pour cent par rapport à l'année précédente. En avril 2009, la production sidérurgique allemande a chuté de 53,1 pour cent par rapport à l'année précédente pour retomber au niveau de la fin des années 1950. Au premier trimestre 2009, le produit intérieur brut (PIB) recula de 6,7 pour cent par rapport à l'année précédente. Cela est le plus important fléchissement depuis la Seconde Guerre mondiale.


[Voir graphique " Production industrielle en Allemagne "]


Malgré les programmes de crise considérables pour en atténuer les effets, c'est surtout chez les petits équipementiers automobiles que se multiplient les faillites. Mais aussi un nombre accru d'entreprises renommées en Allemagne comme Hertie, SinnLeffers, Woolworth, TMD Friction, Rosenthal, Qimonda, Edscha, Märklin, Wolf-Gartengeräte, Karmann etc. ont déclaré leur insolvabilité. Sans l’aide de l’État, une série des plus grandes banques figurerait aussi sur cette liste comme Commerzbank, IKB, KfW ou Hypo Real Estate.


Selon une étude de la Banque mondiale, la croissance économique retombera rapidement dans 94 de 116 pays en voie de développement, notamment à la suite de la baisse dramatique de la demande en matières premières et de la chute de leurs prix. En plus, les immigrés venus de pays sous dépendance néocoloniale sont les premiers qui perdent leurs emplois, en particulier dans les principaux pays d'immigration Japon, États-Unis et en Europe. Le défaut de leurs virements fait des trous qui se chiffrent par milliards dans les budgets de leurs pays d'origine.


Une nouvelle dimension de la crise internationale de l'endettement s'annonce, qui aura des répercussions imprévisibles sur les conditions de vie et de travail de centaines de millions d'hommes.


La crise du néocolonialisme, qui s’est atténuée au cours de la prospérité temporaire précédente, et qui a pu revêtir un caractère latent, éclatera de nouveau ouvertement. Elle va même s'approfondir de manière dramatique, parce que les pays impérialistes répercuteront les fardeaux de la crise économique et financière mondiale sur les pays dépendants d’eux et opprimés par eux.


Le chômage massif et le sous-emploi montent en flèche à l'échelle mondiale depuis le début de la crise économique mondiale. Aux États-Unis, 4,3 millions de personnes ont perdu leur travail entre octobre 2008 et avril 2009. En Chine, jusqu'à début avril 2009, 20 millions d'ouvriers migrants ont été poussés au chômage et, de ce fait, leurs familles dans la misère absolue. Même la Commission européenne présume que le chômage dans les pays baltes va se multiplier par deux ou par trois jusqu'à fin 2010 par rapport à fin 2008, et qu'il va progresser de 70 pour cent environ en Pologne et en République tchèque.


La crise économique et financière mondiale entraîne une évolution déflationniste qui est mise à profit pour réaliser de multiples formes de réduction de salaires et de démantèlement d'acquis sociaux. La misère et la faim parmi la classe ouvrière se répandent de plus en plus même au sein des métropoles impérialistes. Après la fin de la crise économique et financière mondiale, une inflation galopante menace dans de nombreux pays pour permettre de financer les gigantesques programmes de crise des États nationaux.


Entre-temps, une crise agraire ouverte internationale s'est déclarée. Elle fait se dégringoler les prix des produits agricoles, et mènera à la ruine de millions d'exploitations agricoles à travers le monde.


À première vue, la crise économique désamorce la catastrophe écologique globale, parce qu'avec la baisse de la production, les émissions de CO2 se réduisent également. Mais cette réduction est beaucoup plus faible qu'on ne le suppose d'ordinaire. Par contre le fait qu’en temps de crise, les supermonopoles internationaux renforcent leurs bases d'énergies fossiles et de matières premières, et veulent maintenir et développer les centrales nucléaires, a des effets nettement aggravants. La recherche scientifique sur les technologies d'avenir, qui est de toute façon pratiquée sans conviction, est encore ralentie, et les programmes et règlements largement insuffisants des gouvernements en matière de politique écologique sont arrêtés parce que déclarés « trop coûteux ». Ainsi, le passage à la catastrophe écologique globale s’en trouve même encore accéléré.


La crise de l'ordre familial bourgeois s'aggrave jusqu'à provoquer l'absence de famille dans le prolétariat. Selon l'analyse fondamentale du double concept de production de Marx et Engels, cette évolution laisse entendre que les crises de surproduction capitalistes ne sont jamais uniquement des crises de production et de reproduction de biens et de marchandises. Elles minent aussi sévèrement le processus de production et de reproduction de la vie humaine. Ces perturbations fondamentales se manifestent par le recul des naissances, par la destruction de la capacité des familles à être la plus petite communauté de solidarité pour la classe ouvrière, par l’accroissement rapide du « matériel humain superflu » pour les capitalistes, par le délabrement psychique et physique de toujours plus larges parties de la population à cause de la pauvreté massive, de la sous-alimentation et de la malnutrition, de maladies psychiques, de la déchéance sociale par privation de formation et de soins médicaux, par une espérance de vie en baisse à cause du travail jusqu'à l'épuisement, mais aussi par des épidémies, et notamment par l'avancée d'idéologies et pratiques destructrices comme le sexisme ou des modes de pensée et de comportement patriarcaux.


La crise économique et financière mondiale a précipité le capitalisme dans une profonde crise sociale, qui aura des répercussions de grande envergure sur le développement social.



L’échec de l’économie politique bourgeoise


Depuis bien longtemps, la propension générale aux crises de la société bourgeoise n’est plus apparue aussi clairement que dans cette situation. Forts de leur foi pour ainsi dire sectaire en leurs propres erreurs d’appréciation de la situation économique, les dominants furent atteints tout à fait à l’improviste. Leur idéologie bourgeoise se retrouve dans une situation désastreuse. Les uns après les autres, les pronostics économiques bourgeois étaient tellement à côté de la réalité qu’en avril 2009, le chef du Deutsches Institut für Wirtschaftsforschung (DIW) [Institut allemand de recherche économique], Zimmermann, hissa le pavillon blanc de la capitulation et se refusa à faire d’autres prédictions : « Quand on ne sait rien, on ne doit pas non plus présenter quelque chose … »2. Non sans raison, le nouveau président de la Bundesverband der Deutschen Industrie [Fédération patronale allemande] (BDI), Hans-Peter Keitel, se vit dans l’obligation de mettre en garde « contre une remise en question de l’économie de marché dans son ensemble. » En suppliant, il réfuta les « accusations partiales : les banquiers, les managers, les politiciens, la mondialisation … La situation est beaucoup trop grave pour ce faire, car nous nous trouvons déjà en plein milieu d’un nouveau débat sur le système. »3


La crainte des monopoles dominants et de leur gouvernement à l’égard des « débats sur le système » n’est que trop justifiée, car chaque personne qui pense politiquement finit par soulever la question sur les véritables causes du désastre actuel. Toutefois, dans l’économie politique bourgeoise, nous ne trouverons que peu de choses sur l’existence, voire sur les causes, des crises économiques qui apparaissent avec la force d’une loi. Leur dogme des « forces d’auto-guérison du marché » et « de l’économie sociale de marché » faisait passer le capitalisme pour le garant d’une prospérité durable pendant des dizaines d’années.


Grisé par les taux de croissance extraordinaires de l’essor économique mondial, l’ancien président de la Banque centrale américaine, Greenspan, estimait en 2005 que « l’économie réagit beaucoup moins fortement aux chocs que dans les décennies passées. »4 Saisi par le vertige face à son « succès » douteux dans la lutte contre le chômage massif en Allemagne, le gouvernement Merkel/Steinmeier des CDU/CSU et SPD pronostiqua encore en janvier 2007 « une relance durable jusqu’à l’année 2020. » Même lorsque la crise financière mondiale avait déjà éclaté, le ministre des Finances, Peer Steinbrück (SPD), supposa tout d’abord qu’il s’agissait d’« un problème américain. »5. Le ministre de l’Économie d’alors, Michael Glos (CSU) fabula encore fin novembre 2008, lorsque l’économie mondiale se trouvait déjà en descente en piqué, que le marché du travail réagirait « avec fermeté aux plus mauvais paramètres de l’économie » et qu’une réduction d’impôts et de taxes renforcerait « davantage les forces de croissance. »6


Quand personne ne pouvait plus nier la crise économique et financière mondiale, l’illusion succéda à la fatuité. Désemparée, la chancelière, Angela Merkel, s’essaya dans la sagesse tautologique7 : « Les forces d’auto-guérison du marché ne peuvent avoir leur plein effet que quand les forces du marché fonctionnent vraiment. »8 Le marché pourra-t-il alors se guérir lui-même, ou les forces d’auto-guérison ne fonctionneront que s’il n’a pas besoin d’être guéri ? Les conclusions de madame la chancelière relèvent de la même logique de haut niveau :


« Si aujourd’hui par exemple une entreprise saine ayant une position de leader sur le marché mondial n’obtient plus de crédits pour ses investissements, ou seulement des crédits à des conditions qui rendent impossible une exploitation rentable, parce que les banques ne se font pas encore vraiment confiance, alors le marché doit être remis en état de fonctionner – et cela est notre devoir politique. »9


Voilà qui est dit : les forces d’auto-guérison du marché ne fonctionnent pas parce que le capital financier n’a plus « confiance » en son propre ordre économique capitaliste, et que les banques n’accordent plus de crédit à personne ! L’État doit donc intervenir. Qu’elles aillent au diable les « forces d’auto-guérison du marché » !


Malgré toutes les répercussions destructrices sur les masses, l’enseignement pratique de cette crise économique et financière capitaliste mondiale sans précédent est d’une valeur inestimable, car il montre aux masses combien est creuse l’argumentation de l’économie politique bourgeoise. Les gens n’oublieront pas : ce n’est justement pas le « marché » ni la satisfaction de leurs besoins personnels qui fait avancer la machinerie de production capitaliste, mais l’avidité sans limites du capital financier à réaliser le profit maximal.


Dans le capitalisme, selon Karl Marx, « il doit nécessairement y avoir sans cesse discordance entre les dimensions restreintes de la consommation sur la base capitaliste et une production qui sans cesse tend à franchir cette barrière qui lui est immanente. ... Comment, sinon, serait-il possible que la demande de ces mêmes marchandises, dont la masse du peuple ressent la carence, soit insuffisante ... ? » (Marx/Engels, Le Capital, Livre III, t. 1, Éditions sociales Paris 1969, p. 269)


Par une manipulation ciblée sur l’étendue et les causes de la crise économique et financière mondiale, on voudrait empêcher les masses de tirer, à partir de leurs expériences incontestables, des conclusions critiques sur la société et de lutter pour l’alternative sociale du véritable socialisme. Afin de les calmer, les économistes bourgeois réduisirent pendant longtemps la crise à la « crise financière » ou à une « récession ». De plus, ils donnaient l’impression que le plus dur serait passé dès l’été ou au plus tard en automne 2009. La notion dissimulatrice de « récession » exprime simplement que le produit intérieur brut baisse pendant au moins deux trimestres consécutifs et, vu le développement économique actuel, a un caractère réducteur difficilement égalable. Pour donner plus de poids à leurs thèses apaisantes, leurs paroles destinées à rassurer le peuple d’une manière générale étaient accompagnées de mesures atténuant la crise sans équivalent dans le monde. Tout cela dans le but de donner l’impression au citoyen normal qu’on pourrait très bien vivre avec cette crise.


Nous verrons comment à partir d’un certain moment, les dominants se mirent à jouer les oiseaux de mauvaise augure à propos de la crise afin d’extorquer aux masses les fonds immenses de la gestion de la crise par l’État, la réduction des salaires et des revenus, et le démantèlement des acquis sociaux. Dans son essence, l’économie politique bourgeoise est toujours propagande utilitaire pour imposer les intérêts de classe capitalistes contre la classe ouvrière.


Ce n’est pas par hasard que les rêves fleuris d’idéologues petits-bourgeois d’un capitalisme « sans crises » surgissent comme des champignons pendant cette époque de désorientation, de réflexion et d’assimilation au sein de la classe ouvrière. La direction du Linkspartei [Parti de gauche] fustige le « capitalisme de casino »10 qu’il faudrait débarrasser le plus vite possible de son « démon du jeu ». L’un de ses politiciens économiques de premier plan et député au Bundestag, Axel Troost, exige sérieusement de « récupérer l’argent chez les spéculateurs et actionnaires qui ont ruiné sans vergogne notre État-providence et social. »11 Toutefois, il ne veut pas y arriver par l’expropriation des moyens de production, mais en remettant enfin en valeur « notre État-providence et social » donc « l’économie sociale de marché ». Dans les années 1950, les sociaux-démocrates, les syndicats et les communistes s’opposaient encore résolument à l’introduction de la notion ambiguë d’« économie sociale de marché » par le gouvernement Adenauer, et ce à juste titre, puisqu’elle minimise et renie la réalité de classe capitaliste ! Aujourd’hui, c'est précisément ce mirage d’une « économie sociale de marché » qui devient l’objectif stratégique du Linkspartei.


Les économistes bourgeois et petits-bourgeois notent, en grinçant des dents et parfois aussi en l’acceptant à contrecœur, que l’économie politique de Karl Marx connaît une conjoncture très favorable. En s’adaptant à la tendance générale vers la gauche au sein des masses, ils déclarent que l’analyse du capitalisme par Marx est parfois tout à fait pertinente, pour ensuite qualifier promptement d’utopiques ses conclusions révolutionnaires, et les rejeter. Le philosophe social, Detlef Horster, avance par exemple la proposition absurde que « l’économie et la théorie de la révolution ne forment pas une unité chez Marx, mais sont deux domaines différents. »12


Cette méthode éclectique de choisir dans l’enseignement de Marx seulement ce qui est tout juste encore acceptable pour l’économie bourgeoise, n’est rien d’autre que l’expression gênée de la défensive sur le plan idéologique dans laquelle l’économie politique bourgeoise se retrouve face au marxisme.


Dans le même temps, de tels phénomènes de mode mettent en évidence le peu de compréhension que les idéologues bourgeois ont du marxisme. Le marxisme est un système cohérent et dialectiquement imbriqué de conceptions et de méthodes, qu’on ne peut pas défaire à volonté pour pouvoir alors faire jouer arbitrairement les différents composants les uns contre les autres.


Karl Marx et Friedrich Engels sont les premiers à avoir découvert scientifiquement les contradictions insolubles inhérentes au capitalisme depuis son début jusqu’à sa fin, et ils en ont déduit la nécessité`de son remplacement révolutionnaire par le mode de production socialiste. La contradiction fondamentale de la production capitaliste s’appuie sur la production sociale, qui est toutefois appropriée de façon privée. Cette contradiction entre les forces productives sociales et les rapports de production capitalistes se fait jour dans des crises périodiques inéluctables. La bourgeoisie réussit bien à les surmonter temporairement, mais seulement en préparant ainsi de nouvelles crises plus profondes et plus complexes. Objectivement, la suppression des crises capitalistes ne peut être obtenue que par une révolution socialiste. Marx écrit en 1859 dans la préface à la Critique de l’économie politique :


« À un certain stade de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ... De formes de développement des forces productives qu'ils étaient ces rapports en deviennent des entraves. Alors s'ouvre une époque de révolution sociale. » (http://www.marxists.org/ francais/marx/works/1859/01/km18590100b.htm)


Comme nos petits-bourgeois de gauche sont incapables de résister au charme de la recherche capitaliste rapace du profit, ils font comme si la réalisation de profits et la spéculation actuelles, organisées au niveau international, n’étaient qu’un excès négatif, provoqué arbitrairement ou avec une malveillance toute particulière, qu’on pourrait réduire à volonté, qu’on pourrait donc maîtriser par des réformes.


En réalité, avec la nouvelle organisation de la production internationale, le capitalisme est arrivé à un stade de développement où les excès inéluctables, immanents au système de l’exploitation capitaliste ont adopté une telle dimension qu’ils font peur et effrayent même le petit-bourgeois orienté vers le succès et en même temps humaniste éclairé. Karl Marx et Friedrich Engels tirèrent du mode de production capitaliste historiquement suranné la conclusion qu’il fallait établir un nouveau mode de production socialiste. Par contre, les critiques petits-bourgeois du capitalisme ne vont pas au-delà des lamentations sur « l’injustice sociale » de ce monde. Ils déplorent le « capitalisme déchaîné ». En même temps, ils implorent son apprivoisement, ne changent rien à tout ce qui est essentiel au niveau social et diffament avec d’autant plus de véhémence les marxistes-léninistes pour leur critique conséquente du système et leur stratégie révolutionnaire. Ainsi, la crise ne révèle pas seulement le désastre économique, politique et idéologique de la bourgeoisie en place, mais aussi le manque de perspective, la versatilité et l’incompétence théorique de la gauche petite-bourgeoise. Elle n’est pas capable de se libérer de son rôle pro-gouvernemental, même si elle se sent tout à fait mal à l’aise dans cette période troublée.



Disputes au sujet des causes universelles et concrètes de la crise économique mondiale en 2008


Celui qui n’est pas disposé ou à même de remettre en question le capitalisme en tant que système social, soit par ignorance anticommuniste, soit par opportunisme ou simplement parce qu’il profite d’une manière ou d’une autre de son existence, ne décèlera pas les causes de cette crise.


Dans son message du nouvel an, la chancelière Merkel fit semblant d’être indignée du fait « que des excès financiers sans aucun sens de responsabilité sociale, la disparition du sens de la mesure et du juste milieu de certains banquiers et managers ont conduit le monde dans cette crise. »13 Son gouvernement, avec sa politique de redistribution en faveur des monopoles et à la charge de toute la société, n’a-t-il pas contribué de façon décisive au déploiement sans scrupules de la soif de profit et de pouvoir des banquiers et managers ? Les gouvernements Schröder et Merkel se sont-ils vraiment mieux comportés que les banquiers et managers réprimandés à présent par eux ? Où donc le « sens de la mesure et du juste milieu » se trouvait-il quand les partis bourgeois mirent en place les lois Hartz IV, intensifièrent le travail intérimaire et les salaires plus que bas, et envoyèrent de ce fait des millions de chômeurs vivre dans la pauvreté et la paupérisation. Où était leur « sens de responsabilité sociale » quand leur gouvernement adopta la « réforme de la santé publique » qui exclut des millions de personnes des soins médicaux optimaux en raison de leurs bas revenus, tandis qu’il garantit des profits se chiffrant par milliards aux monopoles de l’industrie pharmaceutique, de l’industrie d’appareils médicaux et aux exploitants capitalistes d’hôpitaux ? N’était-ce pas le gouvernement Schröder/Fischer qui, avec la « retraite Riester », força légalement les salariés à financer une part de plus en plus importante de leur assurance vieillesse de façon privée par l’intermédiaire des marchés financiers et sur une base spéculative ? N’était-ce pas le gouvernement qui recommanda largement aux communes des opérations hautement risquées et spéculatives telles que le crédit-bail international ?


Maintenant que tous ceux qui jouissent de leur propre estime, pestent contre les spéculateurs irresponsables, il est de bon ton, même dans le monde bourgeois des médias et d’autant plus pour la clique des « représentants du peuple », d’abonder dans le sens de l’indignation sociale. Toutefois, la question de savoir d’où sort cette crise économique et financière mondiale sans précédent n’est pas pour autant élucidée. Cette argumentation porte plutôt le regard sur la défaillance subjective de banquiers ou de managers, qui est certes incontestable. Mais c’est de l’essentiel que l’on détourne ainsi l’attention : des lois inhérentes au mode de production capitaliste. Ces lois forcent la main à tout capitaliste, qu’il soit propriétaire d’une usine ou manager d’une société anonyme, qu’il s’agisse d’un groupe privé ou étatique, sous peine de son déclin.


Comme apparemment l’ensemble du monde industriel et banquier fut impliqué dans la crise, l’ensemble de la couche des banquiers et des managers doit donc, dans la logique de la chancelière, avoir échoué de la même manière. Comme la plupart des pays capitalistes sont engagés dans la crise économique et financière mondiale, au moins les principaux gouvernements bourgeois doivent être rendus responsables du fait que ces banquiers et managers ont pu agir ainsi à leur guise sans scrupules et guidés par la soif de profit. Ce qui n’était pour la chancelière qu’une recherche superficielle des causes, finit par devenir inopinément une gifle retentissante pour les dominants et leurs gestionnaires dans les gouvernements, les administrations de l’industrie et des monopoles banquiers.


Le ministre fédéral des Finances, Steinbrück, du parti social-démocrate allemand (SPD) rend responsable du désastre de la crise économique et financière mondiale « le manque de retenue en matière de spéculation »14 des managers financiers. Effectivement, l’éclatement d’une gigantesque bulle spéculative a provoqué une crise financière mondiale, qui, à son tour, devint le déclencheur concret de la crise économique mondiale. La spéculation fut-elle donc la cause de la crise économique et financière mondiale ? Déjà en 1850, Karl Marx attira l’attention sur le rapport fondamental entre la spéculation et le déclenchement d’une crise économique :


« La spéculation se manifeste régulièrement dans les périodes où la surproduction bat déjà son plein. Elle fournit les débouchés momentanés à la surproduction, tout en accélérant l’éclatement de la crise et en accroissant sa violence justement par ce fait. » (Marx/Engels, Œuvres, t. 7, p. 421 – TDLR)… « La crise elle-même éclate d'abord dans le domaine de la spéculation, et ce n'est que plus tard qu'elle s'installe dans la production. À l'observation superficielle, ce n'est pas la surproduction, mais la surspéculation – pourtant simple symptôme de la surproduction – qui paraît être la cause de la crise» (Publié dans Études de Marxologie, n° 7, août 1963, par M. Rubel).


Par contre pour Oscar Lafontaine, l’un des deux présidents du Linkspartei et représentant en vue de la politique de réformes sociale-démocrate de gauche des décennies passées, la foi aveugle en la « religion quotidienne » du « néolibéralisme ... a conduit à la crise actuelle »15. Il est certain que le néolibéralisme avec sa ligne directrice de « privatisation avant nationalisation » fut l’un des principes directeurs de la nouvelle organisation de la production internationale. Mais la vague de méthodes néolibérales a produit un tel tsunami de problèmes qu’entre-temps l’État, en tant que gestionnaire de crise, intervient si activement dans le monde économique et financier que tous les apologistes16 néolibéraux doivent en avoir le souffle coupé. Où sont donc restés les prédicateurs des nobles maximes du néolibéralisme ? Il n’y a plus que l’État qui vient à la rescousse pour éviter le pire ! Mais la multiplication des interventions de l’État freine-t-elle un tant soit peu l’économie du profit visant à réaliser des profits maximaux ? Une telle hypothèse serait naïve ou malveillante au plus haut point parce qu’elle jette de la poudre aux yeux des masses. Après la reprise par l’État de 25 pour cent de la Commerzbank, les nouveaux membres du conseil de surveillance nommés par l’État s’empressèrent de renoncer à exercer toute influence entrepreneuriale.


Pour la députée du Linkspartei au parlement européen, Sarah Wagenknecht, « la voie la plus rapide pour relancer l’économie ... est sans aucun doute la redistribution radicale des revenus et des fortunes du haut vers le bas. Alors le problème de la demande se règlera de lui-même. »17 Apparemment, la marxiste modèle du Linkspartei fut trop influencée par des théories non marxistes lors de ses études en sciences politiques à l’université bourgeoise ; théories déjà entièrement démolies en 1878 par Friedrich Engels dans son explication avec Eugen Dühring :


« La sous-consommation des masses est une condition nécessaire de toutes les formes de société reposant sur l'exploitation, donc aussi de la société capitaliste ; mais seule la forme capitaliste de la production aboutit à des crises. La sous-consommation est donc aussi une condition préalable des crises et elle y joue un rôle reconnu depuis longtemps ; mais elle ne nous explique pas plus les causes de l'existence actuelle des crises que celles de leur absence dans le passé. » (http://www.marxists.org/francais/engels/works/1878/06/fe18780611.htm)


La théorie de madame Wagenknecht est également insensée du point de vue économique, puisque la consommation privée ne représente qu’une part minime des hauts et des bas de la croissance économique des années passées. La relance économique résulta surtout des grandes envolées de l’exportation de biens d’investissement, tandis que la consommation privée à l’intérieur du pays stagnait largement ou reculait. Inversement, le déclenchement de la crise économique mondiale ne fit d’abord que légèrement baisser la consommation privée. Ce qui chuta tout d’abord, ce fut le marché mondial des biens de production et des matières premières.


L’illusion d’un capitalisme sans exploitation ni crises – voilà l’essence idéaliste de la « théorie du pouvoir d’achat » de la gauche réformiste. Son pendant ouvertement bourgeois est la position défendue par des managers monopolistiques tels que le chef européen d’Opel/GM, Forster, selon laquelle la crise pourrait être évitée ou résolue en suppriment ou évitant des « surcapacités dans l’économie ». La demande de Forster de supprimer des « surcapacités » est la fiction démagogique d’un capitalisme sans accumulation ni concurrence. De la bouche du président-directeur général d’un groupe, justement, c’est une tentative pseudo-scientifique manifeste de justifier la liquidation massive d’emplois, les fermetures et les licenciements imminents.


Toutes les théories bourgeoises et petites-bourgeoises portant sur les causes de la crise économique mondiale actuelle ont recours à une méthode empiriste ou éclectique. Elles choisissent au hasard différents aspects de la théorie de crise marxiste-léniniste et les appliquent correctement à l’un ou l’autre phénomène de la crise, dans le but de déformer ou de rejeter l’essence et le contenu universel de l’économie politique du marxisme-léninisme.


Quand les capitalistes agissent « sans mesure ni responsabilité sociale », ce n’est tout de même pas par mauvaise volonté. Le capitalisme ne peut exister qu’en accumulant sans cesse du capital. Les conséquences en sont inévitablement des comportements malfaisants et répugnants, toutefois plutôt comme phénomène marginal. La croissance du capital repose essentiellement sur le renforcement de l’exploitation du travail salarié par l’appropriation du surtravail non rémunéré. La loi de la concurrence force les capitalistes à rendre le travail vivant plus productif et à le remplacer par des machines. Cette composition organique plus élevée du capital mène certes à économiser sur les salaires et à exploiter davantage les ouvriers, tout en augmentant la somme de travail supplémentaire non rémunéré. Mais en même temps, elle requiert plus de capital pour les investissements en machines. De ce fait, le rapport entre le capital investi et le profit réalisé se dégrade. Afin de contrer cette tendance à la chute du taux de profit, les capitalistes sont tenus d’augmenter la masse de profit en étendant la production dans son ensemble et en impliquant de plus en plus d’ouvriers dans le travail salarié, ou en augmentant constamment leur temps de travail vivant. Si cela ne réussit pas, par exemple en raison des marchés en stagnation qui, souvent, n’arrivent plus à absorber la marée montante de marchandises, des crises de surproduction et d’autres phénomènes de surproduction de capital surviennent. Selon Marx, la tendance à la chute du taux de profit, qu’il appelle la loi de crise du capitalisme, « semble ... menacer le développement du procès de production capitaliste, elle favorise la surproduction, la spéculation, les crises, la constitution de capital excédentaire à côté d'une population en excédent. » (Marx/Engels, Le Capital, Livre III, t. I, Éditions sociales Paris 1969, p. 255 – mis en relief par l'auteur)


Celui qui veut supprimer les crises capitalistes, ne doit pas essayer de soigner leurs symptômes, mais doit supprimer le capitalisme et instaurer le socialisme ! C’est la conception fondamentale de Karl Marx dont les théoriciens du Linkspartei ne veulent plus rien savoir.


Dans le processus de la nouvelle organisation de la production internationale, les 500 plus grands supermonopoles se sont soumis le marché capitaliste mondial et la production capitaliste mondiale. Aujourd’hui, la loi fondamentale du capitalisme moderne consiste à conquérir et défendre une position dominante sur le marché mondial dans le but de s’assurer le profit maximal. Une conséquence en fut le gonflement gigantesque du capital propre des 500 plus grands supermonopoles de 3,2 billions de dollar US en 1994 à 11,1 billions en 2007. Pendant cette période, ils augmentèrent leurs bénéfices de 282 milliards de dollar US à 1 593 milliards de dollar US, donc presque de six fois, même selon les indications officielles. Cette évolution conduisit à une suraccumulation chronique du capital, parce que les marchés ne suivaient pas l’accroissement du capital. Cela signifie l’impossibilité chronique de mettre à profit le capital accumulé dans le cadre du cycle spontané de production et de reproduction afin de réaliser le profit maximal. La contradiction criante entre la productivité croissante et l’incapacité totale ou le désintérêt des capitalistes de les mettre en œuvre pour le bien de l’humanité, voilà ce qui caractérise la putréfaction et la décomposition du mode de production impérialiste.


Tant que le capitalisme pouvait facilement se développer et s’étendre en intégrant de plus en plus de pays dans le mode de production capitaliste, et donc ouvrir de nouveaux marchés, il parvenait à remettre à plus tard la résolution des contradictions qui lui sont inhérentes. Ce processus historique à tendance à toucher à sa fin, car toute nouvelle extension du marché est vite dépassée par la production et le marché mondial, à présent réalisé, s’avère être une barrière tout comme les anciens marchés nationaux restreints.


Dans le livre « La nouvelle organisation de la production internationale – Crépuscule des Dieux sur le nouvel ordre mondial », nous avons résumé cette nouvelle phase du développement impérialiste comme suit : « L’impérialisme se heurte à une limite historique relative qu’il n’arrive pas à surmonter. »18


La suraccumulation chronique du capital eut une série de conséquences importantes qui marqueront l’ensemble du mode de production capitaliste à venir :



Primo, elle conduisit, sur la base de la nouvelle organisation de la production internationale, à une crise structurelle internationale chronique. De plus en plus de capital doit être détruit en permanence, pour que le processus de production et de reproduction puisse encore fonctionner. Une erreur bien répandue est d’affirmer que, durant toute la période de la nouvelle organisation de la production internationale, a prédominé le néolibéralisme, autrement dit la fiction selon laquelle l’État se serait tenu à l’écart de l’économie dans ses activités. Sans la gestion permanente de la crise par l’État, tout le processus de la nouvelle organisation de la production internationale aurait été impossible. Le rôle incombait aux gouvernements capitalistes et impérialistes d’agir en tant que prestataires de services de « leurs » supermonopoles établis dans leur pays, soit pour financer les conditions générales des activités d’investissement ou de la concurrence monopolistiques, soit pour faire adopter des lois et des conventions correspondantes au niveau national et international, ou simplement pour soutenir leur expansion dans d’autres pays et pour reporter les charges de ces « prestations de services » sur le dos des masses de leur pays respectifs.


La part accrue de l’État dans le processus de reproduction du capital monopolistique et la nationalisation des charges de la destruction permanente de capital constituent objectivement le processus de socialisation croissante de l’accumulation à l’échelle internationale. Cela représente une importante condition matérielle préalable pour réaliser les États-Unis socialistes du monde.



Secundo : le gonflement gigantesque de la spéculation a revêtu un rôle dominant dans l’économie mondiale au plus tard avec la nouvelle organisation de la production internationale. Elle est devenue une partie intégrante nécessaire, c’est-à-dire universelle, de la mise en valeur du capital exigeant le profit maximal. Dans les années passées, le capital spéculatif a pour ainsi dire explosé. Le secteur financier international s’accrut cinq fois plus vite que la production. En 2007, le volume financier mondial – la totalité des crédits, produits financiers, marchés de devises etc. – s’élevait à 2,3 billions de dollar US. Cette somme correspond à soixante-cinq fois la valeur du produit national brut réel mondial19. Plus la possibilité de réaliser le profit maximal dans le processus industriel de production et de reproduction se restreint en raison de la suraccumulation du capital, plus les monopoles internationaux cherchent à spéculer avec leur capital excédentaire sur les marchés financiers internationaux pour obtenir ainsi le profit maximal. À intervalles réguliers, cela mène à l’éclatement désastreux de bulles spéculatives, même en dehors de crises de surproduction cycliques, et sème à chaque fois le trouble dans l’ensemble du monde financier bourgeois. Cela augmente considérablement l’instabilité générale de la finance bourgeoise.


Mais les théoriciens de crise petits-bourgeois d’« Attac » ont une toute autre explication du phénomène de la spéculation débordante : « Les marchés financiers ont dérapé. »20 En conséquence, le capital spéculatif aurait coupé le cordon avec la production réelle comme source de la plus-value et de la masse de profit, et on pourrait faire une distinction entre l’économie capitaliste réelle « acceptable » et la spéculation inacceptable. Pourtant, l’éclatement de la bulle spéculative montre que la spéculation a son origine dans la surproduction réelle de capital pour laquelle elle fournit, certes, des débouchés temporaires, mais dont elle peut s’affranchir seulement temporairement et non impunément. La spéculation ne produit pas d’accroissement réel de valeur, mais n’est elle-même que l’anticipation d’un profit futur. La plus-value peut uniquement se réaliser par l’exploitation du travail salarié, donc par l’exploitation de la force de travail vivante. Le profit spéculatif est donc un « profit de vol » qui est seulement redistribué entre les détenteurs de parts de capital à travers les différentes formes de spéculation boursière.


Entre-temps, la spéculation a pénétré dans tous les domaines de la production, du commerce et de la vie sociale. De plus en plus d’imbrications et de formes du capital fictif furent ficelées afin de maintenir la spéculation et de retarder l’éclatement de la bulle spéculative. Ainsi, de plus en plus de monopoles industriels ont ouvert des banques pour s’enrichir directement avec ces opérations spéculatives. Une forme de spéculation favorisait l’extension spéculative d’investissements productifs, souvent bien au-delà des possibilités de réaliser le profit maximal par la vente de marchandises. Lors du début de la crise économique mondiale, les monopoles d’automobiles par exemple constatèrent des « surcapacités » de 39 millions d’automobiles au niveau mondial.


Le capital spéculatif finit aussi par dominer de plus en plus tous les domaines des prestations sociales, des services publics et de la production et reproduction de la vie immédiate. Les biens de première nécessité comme le blé, le riz, l’eau, la santé, l’enseignement, l’énergie, l’assurance sociale, etc. sont devenus des objets de spéculation. En 2007/2008, la concentration temporaire du capital spéculatif dans les domaines des matières premières et des denrées alimentaires provoqua une telle flambée des prix au niveau mondial que les plus pauvres dans les pays exploités par l’impérialisme ne pouvaient plus se procurer ces produits alimentaires. Au printemps 2008 se produisirent, dans 11 pays, des révoltes de la faim auxquelles participèrent au moins 3 millions de personnes.



Tertio : la vulnérabilité aux crises de l’économie capitaliste mondiale s’accroît, ce qui se manifeste en particulier dans la tendance à écourter le cycle des crises et à prolonger la durée des crises ou la phase de la dépression qui s’ensuit. Depuis la dernière crise économique mondiale de 2001 à 2003, la durée du cycle des crises s’est réduite à 7,5 années contre 10 ans auparavant (voir Graphiques de la production industrielle et du produit intérieur brut pendant les cycles des crises 1980-1990, 1990-2000, 2000-2008 aux États-Unis, au Japon et en Allemagne).


[Graphiques]



Quarto : la gestion générale de la crise devient la principale tâche économique de l’État. Et pourtant les mesures récemment prises pour atténuer la crise sont toutes, vues à moyen terme, de vraies poudrières ! Les « bouées de sauvetage » pour les banques et les groupes comprenant des milliards d’euros font exploser l’endettement de l’État. Selon la logique capitaliste, ces milliards ne pourront être remboursés que par une nouvelle vague de redistribution du bas vers le haut, ce qui remettra en question tous les acquis sociaux. À plusieurs reprises, les milieux bourgeois ont déjà débattu sur le « taux considérablement trop élevé de Hartz IV21 ». Le chômage partiel offert aux monopoles dévorera les réserves de la Bundesanstalt für Arbeit [Office fédéral du travail] et conduira à réduire la pension de retraite en raison de la baisse de la masse salariale brute. Les systèmes d’assurance sociale s’effondreront suite à la hausse subite du chômage massif. La crise actuelle pourra uniquement être maîtrisée au prix de la préparation de nouvelles crises plus complexes et plus profondes. Et pourtant, la gestion de la crise par l’État est elle-même spéculative du fait qu’elle suppose que les cautions et garanties de grande envergure accordées aux banques et groupes seront préservées, autant que possible sans pertes.


Quinto : les dimensions de l’actuelle crise économique et financière mondiale sont uniques dans l’histoire du capitalisme. Dans cette crise, ces facteurs de suraccumulation du capital atteignent leur paroxysme dans l’effondrement général du système financier mondial conventionnel et du processus de production et reproduction mondial. La gestion de la crise par l’État transmet aux budgets nationaux des États la vulnérabilité générale aux crises de l’économie impérialiste mondiale, et génère le risque chronique d’une banqueroute générale de l’État.



La gestion de la crise coordonnée au niveau international


Dans le livre « La nouvelle organisation de la production internationale - Crépuscule des dieux sur le nouvel ordre mondial », le MLPD avait encore constaté :


« Une démarche commune, coordonnée au plan international, des trois principales puissances économiques États-Unis, Japon et UE a échoué jusque-là du fait de la concurrence impérialiste. » (op. cit. p. 480)


Le 15 novembre 2008, les chefs d’État des pays du G20 se réunirent à Washington au cours d’un « sommet mondial financier historique » convoqué dans la précipitation. Cela devait être pour des raisons exceptionnelles ! En effet, le capital financier international prenait conscience du risque aigu d’un effondrement du système financier mondial impérialiste et de la production capitaliste organisée au niveau international présenté par la nouvelle dimension de la crise financière mondiale et par son interaction avec la crise économique mondiale. Dans le même temps grandissait la crainte du déploiement de la lutte des classes sur un large front, jusqu’à des grèves massives, des troubles, des soulèvements et des crises révolutionnaires.


Devant l’arrière-plan des expériences faites avec la crise économique mondiale de 1929 à 1932, quand on renonça largement à des mesures gouvernementales pour amortir la crise, une gestion de la crise coordonnée au niveau international fut maintenant adoptée. Elle devait porter sur au moins quatre pour cent du produit intérieur brut mondial. Les différents États placèrent les secteurs bancaires sous protection de plans de sauvetage pour éviter ainsi l’effondrement de grandes banques responsables, et donc du système financier international. Dans ce but, les banques centrales et les États impérialistes avaient déjà auparavant injecté des billions de dollars dans le circuit monétaire. Des réductions des taux d’intérêt décidées au niveau international devaient relancer le crédit. La Russie, la Chine sociale-impérialiste et les principaux pays émergents en plein essor tels que l’Inde et le Brésil furent mis à contribution. Ainsi les gouvernements des 20 nations qui dégagent ensemble 90 pour cent du produit intérieur mondial se rencontrèrent à ce sommet. Dans son appréciation des sommets de Washington et de Londres, la Fédération patronale allemande (BDI) souligne en particulier le refus de mesures protectionnistes, la revendication de « garantir des marchés libres pour le commerce et les investissements »22 et de normes pour augmenter le capital propre dans des opérations de spéculation risquées. Cela montre que pour le capital financier dominant, l’enjeu était en premier lieu de maintenir la structure économique générant le profit maximal même dans les conditions de la crise.


La mise en sommeil temporaire des contradictions inter-impérialistes avait également, outre l’encouragement des énormes programmes de soutien aux banques et aux groupes industriels, des motifs politiques et idéologiques. La première rencontre des G20 devait surtout apaiser la méfiance qui se propageait parmi les masses à l’égard du système financier et économique capitaliste fort mal en point. Cela fut confirmé lors de la suite du sommet financier mondial le 2 avril à Londres. L’augmentation des fonds qui y fut décidée pour le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et les garanties pour couvrir les exportations, se chiffrant à 1,1 billion de dollar US, sert en premier lieu à empêcher des crises révolutionnaires. Le journal de Thuringe Freies Wort du 3/4/2009 décrit de façon pertinente les craintes qui ont dicté ces mesures aux gouvernements impérialistes :


« Cela aidera au moins à stabiliser les régions les plus menacées par des turbulences politiques, et donc par des conséquences particulièrement dangereuses de la crise économique mondiale. »


En même temps, l’unité affichée avec ostentation des participants du sommet mondial ne doit pas masquer le fait qu’on échange des coups et des piques dans les coulisses. À lui seul, l’élargissement du groupe des G8 au groupe des G20 est l’expression du développement de plus en plus inégal des pays impérialistes. Il est caractérisé par un affaiblissement de l’impérialisme américain et de l’impérialisme japonais et par un renforcement des principaux concurrents impérialistes que sont l’UE, la Russie, la Chine et des puissances qui se poussent sur le devant de la scène telles que l’Inde ou le Brésil. La Chine remet ouvertement en question la suprématie du dollar US comme monnaie pilote internationale. Le gouvernement fédéral et les associations de monopoles en RFA annoncent l’objectif de sortir de la crise en tant que « gagnants ». Les plans de relance économique nationaux sans précédent des gouvernements impérialistes ont à présent un ordre de grandeur inconnu jusqu’ici dans le monde entier, atteignant cinq billions de dollar US. Ils servent surtout à accroître la compétitivité des monopoles internationaux des pays respectifs dans la crise économique mondiale et à estomper les contradictions de classes.


Les deux plans de relance de l'activité économique adoptés par le gouvernement Merkel/Steinmeier, qui ont un volume de 80 milliards d’euros, paraissent modestes en comparaison. En raison de la part d’exportation extrêmement élevée des monopoles internationaux d’Allemagne, le gouvernement est conscient que des mesures stimulant la conjoncture ne peuvent avoir qu’un effet très limité. Mais les monopoles allemands accordent une importance particulière à leurs méthodes raffinées de domination du système social du mode de pensée petit-bourgeois pour entraver la poursuite de la transition vers l’offensive ouvrière dans les grandes entreprises industrielles. Ainsi, la durée du versement de l’allocation de chômage partiel est désormais passée de 12 à 24 mois, et les cotisations à l’assurance sociale des entreprises sont financées par l’État à partir du septième mois du chômage partiel pour éviter dans la mesure du possible des licenciements collectifs ouverts. Dans le même temps, des allégements fiscaux pour les masses, une augmentation des allocations familiales et des allègements fiscaux pour le trajet de travail, une réduction des cotisations à l’assurance maladie et une hausse exceptionnelle des retraites ont été accordés. Mais ces bienfaits plutôt symboliques à l’égard des masses partaient de la supposition que la crise serait relativement courte et n’aurait dû être palliée que jusqu’à la nouvelle relance pronostiquée. Certes, il y a eu des licenciements, en particulier de travailleuses et de travailleurs munis de contrats de travail par intérim ou partiel, mais des licenciements collectifs concernant des personnels permanents ont été évités dans un premier temps. La situation changea après le deuxième sommet de crise du gouvernement fédéral en avril 2009, quand les pronostics économiques de décembre 2008 furent profondément corrigés et que l’on dut tabler sur une aggravation de la crise économique et financière mondiale. C’est seulement pour 2012 que le gouvernement fédéral compte sur le retour d’un volume de production égal à celui d’avant la crise. Cela signifie que les monopoles ne tablent plus sur une situation transitoire, mais envisagent une réduction durable des capacités de production, c’est-à-dire qu’ils travailleront à des licenciements collectifs et des fermetures d’usines.


Mais la gestion de la crise par l’État n’a pas seulement mis en œuvre des mesures complémentaires de soutien et des moyens financiers, mais a repris rapidement la fonction de capitaliste collectif de la société. En fait partie l’intervention directe de l’État dans le système bancaire ou dans la gestion de crise de l’industrie monopolistique. Il serait naïf de considérer cette nationalisation des banques comme un acte de transfert dans les mains du peuple de la propriété monopolistique. Il s’agit au contraire de la socialisation organisée des pertes spéculatives et de la destruction de capitaux et de leur répercussion sur toute la société. Dès que ces banques secouées par la crise généreront de nouveau des profits maximaux, l’État retirera peu à peu sa participation économique directe afin de garantir l’appropriation privée des milliards de profit. Toutefois, en raison de la progression générale de la propension aux crises de l’économie mondiale impérialiste, il faut s’attendre à ce que la gestion gouvernementale de la crise reste la tâche principale de l’action gouvernementale dans le domaine économique. Ce processus est l’une des plus importantes préparations matérielles pour le socialisme, car il montre clairement l’incapacité de l’anarchie de l’économie privée. Cela appelle pour ainsi dire à vaincre le capitalisme et d’imposer le socialisme pour le bien de l’humanité toute entière. Lénine avait déjà signalé cette nécessité et cette possibilité en déclarant que le socialisme « n’est autre chose que l'étape immédiatement consécutive au monopole capitaliste d'État. Ou encore : le socialisme n’est autre chose que le monopole capitaliste d’État mis au service du peuple entier et qui, pour autant, a cessé d’être un monopole capitaliste. » (Lénine, Œuvres, t. 25, p. 389)


De toute urgence les États-nations durent assumer leur fonction de gestionnaires suprêmes de la crise ce qui fit s’emballer les budgets dans le monde entier. Le budget des États-Unis pour l’année 2009, s’élevant à 3,4 billions de dollar US, doit être financé pour plus que de moitié par de nouvelles dettes de 1,8 billion de dollar US. Pour la soif de profit intarissable des jongleurs financiers agissant dans les Bourses du monde, cela est un véritable chèque en blanc pour spéculer et prépare de graves nouvelles crises financières. En effet, la croissance brutale des dettes publiques est pour les banques une source abondante de profits, et elle ne peut être financée par les États que par des augmentations d’impôts, des réductions de prestations de l’État ou par une poussée inflationniste pour déprécier les dettes publiques. Les « réformes » annoncées au sommet financier mondial dans les inspections des finances sur les agences d’évaluation et les Hedge Fonds, et la mise en place d’un « système de détection précoce » international ne changeront rien fondamentalement. Les mesures gouvernementales reportent la crise sur les budgets des États, ce qui provoquera tôt ou tard des faillites de l’État dans les différents États-nations.


Au lieu d’une tempête d’indignation sur ces subventions sans précédent au capital financier à la charge des budgets des États, la direction du Linkspartei propose en termes radicaux de participer à l’élaboration des programmes de crise gouvernementaux et même de les élargir. Oskar Lafontaine se justifia devant le Bundestag en déclarant qu’il fallait accélérer le programme de subventions de 580 milliards d’euros pour les banques et les groupes industriels :


« Nous n’avons vraiment pas d’autre choix que de remettre en marche au plus vite le système du marché financier – comme on dit si bien. »23


Jusqu’à présent, les programmes de crise gouvernementaux ont relativement peu « mis de choses en marche », à part le fait que les systèmes financiers internationaux ne se sont pas encore écroulés de manière incontrôlée. Pour le reste, nous assistons à une aggravation persistante de la crise économique et financière mondiale. Après le chômage partiel temporaire pour 1,5 million de travailleurs, et les licenciements déjà prononcés de 500 000 autres, principalement intérimaires et employés à durée déterminée en Allemagne, les dirigeants envisagent maintenant de « mettre en marche » des licenciements collectifs de grande envergure.


De même après le recul de la crise, il ne faut guère s’attendre à une relance, voire à un essor, comme ce fut encore le cas d’un point de vue macroéconomique après la dernière crise économique mondiale de 2001/2003. Au contraire suivra la phase de dépression, sur laquelle Willi Dickhut24 écrit :


« La dépression parachève l’œuvre de la crise. Elle est caractérisée par la stagnation de la production industrielle. Dans cette phase, les capitalistes tentent de trouver une issue à la crise en abaissant les coûts de production. »25


Selon toute probabilité, cela conduira à un renforcement sans précédent de l’exploitation de la classe ouvrière internationale. Déjà dans la dernière crise économique mondiale, selon leurs informations officielles, les 500 plus grands supermonopoles firent progresser vers la fin de cette crise le profit annuel par employé de 2 871 dollar US en 2002 à 15 926 dollar US en 2003 et à 19 383 dollar US en 2004. Souvenons-nous qu’en Allemagne, le nombre des employés à moins de 15 heures par semaine connut une progression fulgurante de 66 pour cent entre 2003 et 2004 pour passer de 4,1 à 6,8 millions, que le nombre des intérimaires travaillant pour des bas salaires grimpa en quelques années à presque 800 000, que la réduction générale des salaires fut systématiquement pratiquée et que le niveau moyen de salaire s’effondra en dessous de celui de 1993. L’agenda 2010 et les lois Hartz IV constituèrent le cadre légal général à cet effet.


L’intervention de l’État (le Linkspartei la définirait comme « contrôle de l’État ») a franchement peu changé la nature du système mondial économique et financier capitaliste, à part le fait qu’il y aura à l’avenir quelques institutions étatiques et interétatiques qui devront intervenir dans le développement de crises. Quel progrès social !


Aujourd’hui, personne ne peut exactement prévoir combien de temps dureront la crise économique et financière mondiale ainsi que la dépression qui lui succèdera. Tout indique que cette dépression sera plus radicale que lors de la dernière crise économique mondiale.


La phase de transition après la crise est un terrain particulièrement favorable à l’aggravation des contradictions de classes et à l’éclatement ouvert de la crise politique. Déjà en 1984, 1993 et 2004 eurent lieu à ce stade des sauts qualitatifs dans la transition vers l’offensive ouvrière.


À l’unisson avec toute la gauche petite-bourgeoise – Linkspartei, Attac, divers leaders syndicaux, des groupements trotskistes – la direction du Parti communiste allemand (DKP) lance désespérément un appel pour le « transfert des banques et des groupes industriels dans la propriété publique sous un contrôle démocratique »26. Sa supplication a été exaucée ! En effet, le gouvernement Merkel/Steinmeier a depuis, selon une coopération « démocratiquement contrôlée » avec les confédérations du capital financier, prodigué les soins étatiques à la Commerzbank et à l’Hypo Real Estate pour éviter leur faillite. Et ce n’est pas tout ! L’État encouragea les « Bad Banks » où des centaines de milliards d’euros de fonds spéculatifs dépréciés des banques en détresse sont quasiment « transférés dans la propriété publique » et peuvent être revendus sous forme d’emprunts d’État. Le progrès social de ces courageuses nationalisations saute aux yeux. Désormais, chaque banque peut embellir ses bilans pour faire remonter le cours de ses actions. Plus rien ne s’oppose à une nouvelle croissance du capital spéculatif. Mais la direction du DKP implore désespérément le public de gauche : Ce n’est pas du tout ce que nous voulions – le contrôle démocratique et le devoir de propriété de la constitution ne sont pas encore réalisés ! Mais qui donc doit réaliser ce contrôle sous la dictature des monopoles ? Ainsi les grandes envolées mentales du DKP stimulées par la tendance vers la gauche retombent subitement en piqué dans les sempiternelles illusions révisionnistes du refoulement du pouvoir des monopoles. Friedrich Engels, qui n’ignorait pas de tels fantasmes voici plus de 130 ans, serait moins enthousiaste. À l’époque, il déclara sans équivoque :


« L'État moderne, quelle qu'en soit la forme, est une machine essentiellement capitaliste : l'État des capitalistes, le capitaliste collectif en idée. Plus il fait passer de forces productives dans sa propriété, plus il devient capitaliste collectif en fait, plus il exploite de citoyens. Les ouvriers restent des salariés, des prolétaires. Le rapport capitaliste n'est pas supprimé, il est au contraire poussé à son comble. » (Marx/Engels, Anti-Dührung, Éditions sociales Paris 1963, p. 318)


Dans le capitalisme monopoliste d’État au stade de la nouvelle organisation de la production internationale, les monopoles n’ont pas seulement entièrement subordonné l’État à leur domination, fusionné leurs organes avec ceux de l’appareil d’État et établi le pouvoir économique et politique sur la totalité de la société. Avec la propension aux crises depuis la nouvelle organisation de la production internationale, l’État devient de plus en plus le capitaliste collectif accompli. En tant que gestionnaire, il pratique jusqu’à l’excès l’exploitation et l’oppression de la classe ouvrière et des larges masses pour le maintien inconditionnel du pouvoir du capital financier secoué par la crise.


Il est évident qu’en raison de la nouvelle situation, l’économie impérialiste entièrement internationalisée et toujours plus complexe a de nouveau de plus en plus besoin du rôle régulateur de l’État. Objectivement, un État mondial unique serait nécessaire à cet effet. Au lieu de cela, il y a des États-nations en relations de concurrence ou de dépendance entre eux comme base décisive économique et en matière de politique de force pour la dictature des monopoles internationaux. Face au pouvoir et à la concurrence poussée à l’extrême du capital financier, il ne peut pas non plus y avoir autre chose !


Quel caractère un État mondial pourrait-il avoir ? Doit-il être un État bourgeois avec à sa tête Angela Merkel, Frank-Walter Steinmeier, Josef Ackermann, Klaus Zumwinkel, Hartmut Mehdorn etc., sous le « contrôle démocratique » desquels les forces destructives du mode de production capitaliste accompliront sans scrupules leur œuvre dévastatrice et les masses seront entraînées toujours plus profondément dans cet abîme ?


Ou doit-il être un État qui mettra fin aux agissements des spéculateurs, qui mettra fin à une économie basée sur l’exploitation éhontée de la classe ouvrière au bénéfice d’une minorité de super-riches ? Un État qui, par une planification et une répartition conscientes des ressources sociales, garantira que les forces productives modernes seront mises en œuvre dans l’intérêt de la satisfaction des besoins matériels et culturels croissants de toute la société. Un État socialiste de la véritable démocratie pour les larges masses sous la direction de la classe ouvrière : la dictature du prolétariat ! Pour instaurer un tel État, il faut toutefois éliminer par un mouvement révolutionnaire la dictature des monopoles qui ne sont pas disposés à partager leur pouvoir avec d’autres, et qui n’y renonceront pas non plus de leur plein gré.



Le potentiel d'une crise révolutionnaire mondiale et la nécessité de coordonner l'activité de partis et organisations révolutionnaires au-delà des frontières


En préalable aux manifestations du premier Mai 2009 en Allemagne, le chef de la DGB, Sommer, mit en garde contre des « troubles sociaux ». Lorsque la candidate du SPD à la présidence de la République, Gesine Schwan, se rallia à cette réflexion27, un violent débat éclata. Ce sont surtout les représentants de la grande coalition qui répondirent en disant qu’on pourrait bien « provoquer » un mécontentement social « à force d’en parler »28. Pourtant Dennis C. Blair, directeur du renseignement national auprès du gouvernement Obama et coordinateur de l’ensemble des 16 agences de renseignement des États-Unis, parvint déjà dans son « rapport annuel concernant l’état des menaces » du 12 février 2009 au résultat que la menace principale pour l'impérialisme américain ne partirait plus du prétendu « terrorisme » international mais, sur la base de la crise économique mondiale, des luttes ouvrières révolutionnaires, en particulier en Europe. Selon Blair :


« La première préoccupation liée à la sécurité, pour les États-Unis, est à court terme la crise économique mondiale et ses implications géopolitiques », ce qui pourrait provoquer un « extrémisme violent ». Il rappelle expressément les « suites politiques dramatiques du chaos économique des années 1920 et 1930 en Europe » et attire l’attention sur le fait que la « plupart des manifestations antigouvernementales » ont actuellement lieu « en Europe et dans l'ancienne Union soviétique. »29


La crise économique et financière mondiale actuelle a aggravé toutes les contradictions essentielles du système impérialiste mondial.


• La classe ouvrière est le plus fortement atteinte par les effets de la crise avec le chômage, l'exploitation aggravée et la réduction générale de salaires. Dans la lutte de classes contre les supermonopoles internationaux et leurs gouvernements, c'est tout d’abord le prolétariat industriel international qui doit exercer son rôle dirigeant dans la lutte contre le système impérialiste mondial.


• La lutte pour la libération de la femme va de pair avec la lutte de la classe ouvrière pour la libération de l’exploitation et de l’oppression en y impliquant la masse des couches intermédiaires petites-bourgeoises.


• La crise aggrave l'exploitation et l'oppression spécifiques de la jeunesse ouvrière et provoque leur rébellion. Il faut que la masse de la jeunesse devienne l'avant-garde pratique dans la lutte des classes.


• La résistance active contre le développement d’une catastrophe climatique globale menaçant l'humanité doit s'épanouir au-delà des frontières.


• La crise économique mondiale augmente l'agressivité des pays impérialistes et des supermonopoles internationaux dans leur lutte pour le repartage des sphères d'influence et du marché mondial. Cela aggrave le risque général de guerre et présente le danger de guerres inter-impérialistes. Il faut profiter de la lutte pour la défense de la paix mondiale pour révolutionner les larges masses.


• Ces évolutions dramatiques se résument dans l’approfondissement des crises politiques latentes et le déclenchement de crises politiques ouvertes inhérentes à l'émergence de crises économiques.


Des luttes de masse éclatèrent dans de nombreux pays européens dès le début de la crise. Les gouvernements d'Islande, de Belgique et de Lettonie durent démissionner. La Grande-Bretagne, la France, l'Italie et la Hongrie vécurent des manifestations massives et des grèves générales avec des millions de participants. À l'échelle mondiale, on peut constater une tendance générale vers la gauche parmi les masses. En Amérique latine, après l’affaiblissement d'une effervescence révolutionnaire au-delà des frontières au début du millénaire, elle a amené une série de gouvernements progressistes, en partie anti-impérialistes. Au Népal, le roi fut renversé par une révolution et un débat de masse s’y déroule sur la voie ultérieure de la révolution de démocratie nouvelle en marche vers le socialisme. Au plan mondial s’est développée une tendance selon laquelle des parties de plus en plus grandes au sein des masses se tournent vers le socialisme. Toutefois, la tendance internationale vers la gauche s'exprime encore et surtout dans la critique des conditions capitalistes par les larges masses, et dans la recherche d'une alternative socialiste. Bien entendu, elle n'est pas dénuée d'illusions réformistes de gauche et révisionnistes. C’est seulement si la lutte de classe prolétarienne se développe largement et en venant à bout des modes de pensée petit-bourgeois réformiste et petit-bourgeois révisionniste, que cette tendance vers la gauche pourra devenir une force révolutionnaire à l’échelle des masses. Plus les luttes massives économiques et politiques se développent, plus des conflits de classes ouverts se déroulent avec l'appareil d'État, plus se déploie le potentiel d'une crise révolutionnaire mondiale.


Avec la « stratégie de sécurité pour l'Allemagne », adoptée par le groupe parlementaire des CDU/CSU au Bundestag le 6 mai 2008, les préparatifs pour la situation d'un état relatif de guerre permanent s’intensifient en Allemagne. L'installation d'un « conseil national de sécurité », analogue à celui des États-Unis, doit servir à la militarisation globale de toute la politique étrangère et nationale. Entre-temps, le service de renseignements fédéral allemand (BND) a mis en place une cellule de crise, parce que « la crise évolue vers un risque majeur pour la sécurité mondiale »30. D’une part, les dominants veulent éviter que la lutte des classes ne s’envenime. D’autre part, ils s’attendent à un essor des luttes de la classe ouvrière auquel ils se préparent par la fascisation de leur appareil d’État.


Dans ce contexte, la tactique du capital monopoliste change à l’égard des néofascistes. Le refus du ministre fédéral de l’Intérieur, Schäuble, d’appliquer l’interdiction des néofascistes encourage ces derniers à des activités qui révèlent plus clairement leur caractère comme troupe de choc ouvertement terroriste contre le mouvement ouvrier révolutionnaire. Ce premier Mai 2009, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, les fascistes ont massivement attaqué, avec l'accord tacite de l'appareil d'État, des rassemblements et des manifestations des syndicats. Leur agression culmina à Dortmund où 300 néofascistes attaquèrent la manifestation avec des pavés et des pétards.


De si profondes crises sociales sont toujours liées à la polarisation de la lutte entre les courants opportunistes et révolutionnaires dans le mouvement ouvrier. La lutte entre les modes de pensée prolétarien et petit-bourgeois s'épanouit dans le mouvement ouvrier et populaire. La direction syndicale de droite défend une ligne de trahison ouverte de classe et de social-chauvinisme. Alors que des millions d'ouvriers et d’employés s’inquiètent pour leur avenir, Berthold Huber, président de l’IG Metall (syndicat de la métallurgie), a initié « un accord pour l’avenir » qui demande aux ouvriers de « continuer à soutenir l'entreprise » dans la crise31. Prétendument pour sauver des postes de travail, le directeur de l’IG BCE [syndicat des mines, de la chimie et de l'énergie], Hubertus Schmoldt, a même laissé entrevoir des clauses de réserve dans les conventions collectives, et donc une réduction volontaire des salaires.


C’est notamment pour des situations révolutionnaires dont la maturation peut devenir une réalité immédiate si la crise économique et financière mondiale actuelle perdure et la lutte de classe se développe, qu’il est d’une importance fondamentale pour le prolétariat révolutionnaire de se démarquer nettement de l’opportunisme. Lénine écrit à ce propos :


« La situation objective en Europe est telle que grandissent dans les masses la déception, le mécontentement, la protestation, l'indignation et un état d'esprit révolutionnaire susceptible, à un certain degré de son développement, de se muer avec une rapidité fulgurante en action. En fait, la question se pose maintenant ainsi, et rien qu'ainsi : aider à la croissance et au développement des actions révolutionnaires contre sa propre bourgeoisie et son propre gouvernement, ou entraver, étouffer, neutraliser l'état d'esprit révolutionnaire. Pour atteindre cette dernière fin, les bourgeois libéraux et les opportunistes consentiront (et doivent consentir, du point de vue de leurs intérêts) à n'importe quelle phraséologie de gauche, à faire un tas de promesses ... de réformes de toute espèce, de tout ce qu'on voudra, pourvu qu'on évite la rupture des masses avec leurs chefs opportunistes et le passage à des actions révolutionnaires de plus en plus sérieuses. » (Lénine, « De la situation dans la social-démocratie russe », Œuvres, t. 21, Éditions sociales, p. 294)


Un nouvel essor de la lutte pour le socialisme exige une force supérieure au capital financier international et à son système impérialiste mondial. La supériorité stratégique du mouvement ouvrier révolutionnaire ne peut se développer que par la voie de l’internationalisme prolétarien, de l’unification de la classe ouvrière internationale dans le monde entier en alliance avec les larges masses des petits et moyens paysans ainsi que de l’intelligentsia petite-bourgeoise et de la lutte anti-impérialiste des peuples et des nations.


Malgré toutes les différences dans les particularités historiques et culturelles ainsi que dans les conditions sociales et politiques des différents pays, qu’il faut prendre en considération dans chaque stratégie et chaque tactique nationale, la révolution socialiste internationale a besoin d’un front de lutte commun. Il doit regrouper les luttes de classes individuelles et les mouvements de masses démocratiques et progressistes dans une force supérieure internationale contre le système impérialiste mondial. Cela exige l’existence de forts partis marxistes-léninistes autonomes dans les différents pays, qui auront tiré des conclusions efficaces de la dégénérescence révisionniste de l’ancien mouvement communiste, qui sont clairs au niveau idéologico-politique, endurcis dans la lutte des classes et étroitement liés à la classe ouvrière et aux larges masses.


Sur la base matérielle de la crise économique et financière mondiale, la compréhension et la volonté augmentent de regrouper les forces révolutionnaires au niveau international. À présent, plus de 60 organisations participent à l’initiative pour la construction d’une forme d’organisation internationale pour coordonner les tâches dans la construction du parti marxiste-léniniste et dans la lutte des classes, l’ICOR.


Dans la coordination et la révolutionnarisation au-delà des frontières de la lutte de classes internationale et le soutien mutuel dans la construction du parti, la résolution créatrice de la crise générale du capitalisme fera son chemin : la préparation et la réalisation de la révolution internationale et la lutte pour une société libérée de l’exploitation et de l’oppression de l’homme par l’homme – dans la perspective des États unis socialistes du monde !


1 OCDE =Organisation de coopération et de développement économiques

2 Focus, 18/4/2009

3 Discours « L’avenir de l’économie sociale de marché » du 18/12/2008)

4 Discours de 12/10/2005,

5 manager-magazin.de 25/09/08

6 Ministère fédéral d’économie et de technologie, Note de presse du 27/11/2008

7 tautologique = qui présente un fait doublement

8 Déclaration du gouvernement du 14/01/2009

9 Ibid

10 Millionen verzockt… [Des millions misés et perdus …], octobre 2008

11 Ibid.

12Hannoversche Allgemeine Zeitung, 14/03/2008

13 regierung-online, [gouvernement en ligne] 31/12/2008 – TDLR

14 tagesschau.de 16/9/08

15 Bundestagsrede [discours parlementaire] du 26/11/2008.

16 apologistes = défenseur, porte-parole [de courants réactionnaires]

17 Junge Welt [Jeune monde], 7-8/2/09 – TDLR

18 Publié dans la collection " L’esprit économique " chez L’Harmattan, France, 2005, p. 598

19 DGB einblick [Confédération des syndicats allemands aperçu] 04/09

20 Déclaration à l’occasion du congrès « La fin du capitalisme ? » du 6 au 8 mars 2009

21 Les lois Hartz IV visent la réduction massive de prestations et de droits des chômeurs et la contrainte au travail intérimaire et faiblement rémunéré – NDT

22 BDI, Sommet financier mondial : résumé et première évaluation de la BDI, 18/11/2008

23 (www.Linksfraktion.de, 15.10.2008)

24 Maître à penser et cofondateur du MLPD. Directeur pendant de longues années de la rédaction de l’organe théorique du MLPD. Willi Dickhut est décédé en 1992.

25 « Crises et lutte des classes » , Édition française de Revolutionärer Weg 23 [Voie révolutionnaire 23], Maison d’édition Neuer Weg, Essen 1986, p. 85)

26 Déclaration de la direction du DKP sur l’actuelle crise financière, octobre 2008 – TDLR

27 Süddeutsche Zeitung, 24/4/2009

28 Spiegel-online, 24/4/2009

29 Dennis C. Blair, Annual Threat Assessment of the Intelligence Community for the Senate Select Committee on Intelligence, 12/2/2009

30 Ernst Uhrlau, président du BND, waz 1/5/2009.

31 Metall-Zeitung [journal métallurgiste], 10/3/2009

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